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LE LIEU

nion d’Averroès, selon laquelle le centre du Monde est le lieu du Ciel ; mais cette opinion ne me plaît pas. »

Sans doute, en effet, les parties du Ciel sont en un lieu lorsqu’elles ont un certain rapport avec le centre du Monde ; lorsque ce rapport change, on dit qu’elles changent de lieu ; ce rapport au centre du Monde constitue donc le lieu de ces parties ; mais ce rapport n’est pas le centre du Monde. Il est donc vrai de dire que le lieu du Ciel résulte de certaines relations entre les parties de ce Ciel et le centre du Monde ; mais il est faux de prétendre que ce lieu soit le centre du Monde.

En dépit de cette divergence, de langage peut-être plus que de pensée, entre Averroès et Bacon, il semble bien que ces deux philosophes s’accordent en cette proposition : Pour que l’orbe ultime soit en un lieu, partant, pour qu’il lui soit possible de se mouvoir de mouvement local ou d’être en un état de repos qui le prive de tout mouvement local, il faut qu’il existe au centre de l’Univers un corps concret immobile. Assurément, cet axiome fondamental de la philosophie averroïste n’est énoncé nulle part en la théorie du lieu que Bacon a développée, mais il paraît être sous-entendu partout ; si l’on niait que le célèbre Franciscain eût voulu désigner, sous le nom de centrum mundi, un tel corps fini, immobile et concret, on ôterait tout sens intelligible à bon nombre de ses propositions.

N’oublions pas de mentionner que Bacon a formulé quelque part[1] cette proposition : « Le Ciel lui-même s’arrêtera un jour ou, du moins, il est possible qu’il s’arrête. » Cette affirmation a-t-elle précédé ou suivi l’affirmation analogue portée en 1277 par les théologiens de Paris, nous ne saurions le dire, car nous ignorons à quelle date les Communia naturalium furent composés.


VIII
l’empyrée lieu du monde. campanus de novare
pierre d’ailly


La plupart des discussions que nous venons de résumer ont pour cause la difficulté qu’il y a à concilier, pour tous les corps qui constituent l’Univers, ces deux propositions péripatéticiennes ;

  1. Fratris Rogeri Bacon Communium naturalium liber primus partis tertiæ dist. 2a cap. 4m : De vacuo quantum ad ejus necessitatem propter locata et prop motum augmenti et nutrimenti, et popter motum locale. Ms. cit., fol. 59 d.