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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Pour définir le sens propre du mot lieu, Bacon sattache[1] à cette formule : l’extrémité du corps logeant, ultimum locantis.

Si l’extrémité du corps logeant est considérée en soi, en tant que terme du contenant, elle est une surface ; le nom de surface est celui qui lui convient vraiment et proprement.

Cette surface est apte à contenir un corps à son intérieur ; lorsque l’on porte son attention sur cette contenance potentielle, il convient de donner à la surface le nom de cavité (concavum).

Mais ce qui fait la cavité ne fait pas encore le lieu ; pour que la cavité commence à devenir lieu, il faut qu’elle contienne actuellement un corps.

Cette contenance actuelle, d’ailleurs, ne suffit pas à caractériser le lieu pris au sens propre ; ce sens propre (secundum esse potissimum) achève de se définir par la considération de deux relation

La première de ces relations est le rapport qu’a la surface du contenant au volume qu’elle comprend et qu’occupe le corps contenu.

La seconde de ces relations est la situation de la surface du contenant relativement aux termes du Monde {termini Mundi). Bacon ne dit pas ce qu’il entend par cette expression ; mais, des diverses considérations qu’il développe au sujet du lieu, on peut inférer que les termes du Monde sont, pour lui, le centre et la surface ultime de l’Univers ; en outre, ce qu’il dit du centre de l’Univers n’a de sens que si l’on entend par ces mots un corps central de dimensions finies, et nullement un simple point géométrique.

Ce rapport aux termes du Monde est un des éléments essentiels qui définissent le lieu secundum esse potissimum ; « en effet, tant que le corps logé garde le même rapport aux termes du Monde, il garde le même lieu ; lorsque ce rapport change, le corps change de Loos ce rapport appartient donc à l’essence du lieu ».

Cette notion du lieu secundum esse potissimum, telle que Bacon la définit ici, présente d’incontestables analogies avec la notion de lieu qu’a conçue Saint Thomas d’Aquin, avec celle qu’a adoptée Gilles de Rome.

Le sens propre n’est pas la seule acception que reçoive le mot lieu ; que l’on supprime ou que l’on altère l’un ou l’autre des éléments qui servent à définir ce sens propre, et l’on obtiendra[2] un

  1. Roger Bacon, loc. cit., fol. 52, a et b.
  2. Roger Bacon, loc. cit., fol. 53, a.