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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» La sphère ultime, en effet, est, parmi tous les corps, le corps le plus élevé dans l’ordre de la nature comme dans l’ordre de la situation ; il est donc, de tous les corps, celui qui doit le plus approcher de l’uniformité qu’on rencontre dans les substances spirituelles.

» Or ni en acte ni en puissance une substance spirituelle n’est contenue par la surface d’un corps ambiant, car rien ne peut être embrassé par un corps si ce n’est un corps.

» Quant aux corps qui se trouvent au-dessous de la sphère ultime, ils sont, des substances spirituelles, plus éloignées que cette sphère ; aussi sont-ils contenus dans la surface d’un corps ambiant non seulement en puissance, mais encore d’une manière actuelle…

» La sphère suprême, elle, si elle est dans un tel lieu, non seulement ce sera par accident, mais encore elle n’y sera pas d’une manière actuelle, pas plus que n’y sont les substances spirituelles. Toutefois, comme elle leur est inférieure, elle sera en puissance dans un tel lieu ; cette puissance ne pourra pas être réellement réduite en acte ; elle ne pourra être mise en acte que par imagination. »

Aidé par la terminologie que Gilles de Rome avait admise, Grazadei nous a présenté, d’une façon très claire et très complète, la théorie thomiste du lieu ; les pensées éparses du Docteur Angélique ont été ramenées à l’unité ; la théorie particulière du lieu de la sphère suprême a été reliée de la manière la plus logique et la plus naturelle aux principes généraux qui dominent toute la doctrine du lieu.

Grazadei a précisé, mieux que ses prédécesseurs ne l’avaient fait, ce qu’il faut entendre par cet ordre de l’Univers corporel où Thomas d’Aquin voyait la ratio loci et Gilles de Rome le lieu formel. Nous avons vu clairement ce que Thomas et Gilles nous avaient seulement fait entrevoir, que cet ordre est un ensemble de mesures propre à marquer géométriquement la position que chaque point de l’espace occupe par rapport à la surface sphérique qui borne l’Univers.

Alors aussi nous a été manifestée cette vérité que Grazadei a explicitement énoncée : Pour que la ratio loci, pour que le lieu formel demeure immobile, il faut que l’Univers soit borné par une surface sphérique immobile.

Ainsi la théorie thomiste du lieu a été amenée à exprimer cette exigence que la théorie péripatéticienne formulerait également si on la poussait jusqu’à ses dernières conséquences : Il faut que l’Univers soit borné par une sphère immobile. Et comme la Phy-