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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

également dû, qui soit pris de cette même manière formelle. Voilà pourquoi nous disons que la sphère ultime, prise en sa totalité, demeure toujours réellement dans un seul et même ubi.

» Quant aux diverses parties de la sphère suprême, elles ne demeurent pas réellement dans un même ubi ; tandis que dure le mouvement, chacune d’elles est, d’un instant à l’autre, dans un ubi différent, car, d’un instant à l’autre, elle se trouve dans un ordre différent [à l’égard de l’Univers corporel].

» Quant au lieu considéré d’une façon matérielle, c’est la surface du corps ambiant ; partant, comme aucun corps n’entoure la sphère suprême, elle n’est pas d’elle-même dans un lieu matériellement considéré ; elle n’y est que par accident. »

La sphère ultime n’a, d’ailleurs, pas besoin de se trouver dans un lieu considéré du point de vue matériel. « Si un corps, par son mouvement local, passe d’un certain ordre à l’égard de l’Univers à un autre ordre, il faut que ce corps soit, par lui-même, dans un lieu considéré d’une façon matérielle. Mais à un corps qui, par son mouvement local, ne change pas l’ordre qu’il affecte à l’égard de l’Univers, il suffit de se trouver dans un lieu pris d’une façon formelle ; et c’est ce qui arrive à la sphère suprême. »

La définition du lieu formel, telle que notre auteur l’a donnée en répétant les propos de Gilles de Rome suffit à démontrer[1], contre le même Gilles que la sphère suprême n’est pas en un lieu formel en raison de son centre qui est la Terre immobile « De ce que la sphère suprême se meut autour de son centre et des autres corps, il n’en résulte pas que son lieu formellement considéré soit ce centre ou ces autres corps, mais seulement que ce lieu formellement considéré soit l’ordre que cette sphère affecte à l’égard du centre et des autres corps ; et cet ordre consiste dans la situation qu’occupe la circonférence…

» Sans doute, c’est de la fixité du centre que la sphère tient son immobilité, parce que, le centre une fois fixé, la sphère ultime garde un ordre invariable [à l’égard de l’Univers corporel] et, par conséquent, demeure au même lieu ; mais cet ordre [qu’elle conserve], ce n’est pas l’ordre du centre ; c’est l’ordre de la circonférence. »

Il faut donc rejeter absolument la formule averroïste reprise par Gilles de Rome : C’est par son centre, par la terre immobile, que la sphère ultime se trouve formellement en un lieu.

La sphère suprême n’a pas, par elle-même, de lieu matériel ;

  1. Gratiadei Op. laud., lib. IV, lect. VI, quæst. V ; éd. cit., fol. 44, col. b.