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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

le centre et la circonférence de l’Univers. Or cette distance demeure toujours la même, car le centre demeure toujours à la même distance de la circonférence et réciproquement. Il est donc que l’ordre des situations de tout l’Univers (ordo situalis totius Universi) garde une immobilité absolue, et qu’il en soit de même de chaque partie de cet ordre.

» Voyons comment cet ordre, bien qu’il ne soit qu’un accident, peut posséder l’immobilité.

» Pour cela, il nous faut considérer qu’un accident relatif ne change jamais si ce n’est par l’effet d’un changement éprouvé par son fondement. Si ce fondement demeure le même, il est nécessaire que l’accident demeure, lui aussi, le même…

» Or l’ordre des situations dans l’Univers (ordo situalis Universi) désigne une certaine relation qui a pour fondement immédiat la distance au centre ou à la circonférence ; cet ordre n’a point trait à un corps mû ni à la surface d’un corps mû ; ou bien, s’il a trait à une telle surface, c’est seulement en tant qu’elle se trouve [présentement] conjointe à l’extrémité de la susdite distance, qu’elle se trouve [présentement] unie à un certain signe marqué dans l’espace compris entre le centre et la circonférence, signe qui ne coïncide pas toujours avec la surface du même corps naturel.

» Les corps et leurs surfaces peuvent donc se mouvoir au voisinage de ce même signe marque dans le susdit espace ; comme ce signe garde toujours même distance au centre et à la circonférence, et que cette distance est proprement le fondement de l’ordre dont nous parlons, il est nécessaire que cet ordre demeure immobile. Sans doute, cet ordre advient d’une manière accidentelle (accidit) à la surface d’un corps naturel ; mais il n’en est pas un accident absolu ; il en est qu’un accident relatif ; ce n’est pas en cette surface qu’il a son fondement immédiat ; il lui advient seulement, comme nous l’avons dit, en tant que cette surface coïncide avec tel signe de l’espace qui garde toujours même distance au centre [et à la circonférence.] »

La pensée de Grazadei est très claire : Dans l’Univers, la situation de chaque point est marquée par les distances de ce point au centre de l’Univers et à des repères pris sur la surface sphérique qui enclôt le Monde ; l’ensemble des situations géométriques ainsi déterminées est ce qu’on nomme l’ordre de l’Univers ; connaître les situations géométriques avec lesquelles coïncide, à un instant donné, la surface d’un corps naturel, c’est connaître ce qu’il y a de formel dans le lieu de ce corps. Que cette pensée de Grazadei