Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
181
LE LIEU

rissables ; ils n’ont pas à être conservés ; ils n’ont que faire d’un lieu.

Une difficulté se présente ici. Ce qui vient d’être dit n’est pas vrai seulement de la sphère suprême, mais de tous les orbes célestes ; aucun d’eux n’a besoin d’un lieu ; cependant, sauf le dernier orbe, tous ont un contenant et, partant, sont en un lieu.

On peut, en effet, dire que les orbes inférieurs sont en un lieu, mais à la condition de ne pas donner à ces mots le sens qu’on leur donne lorsqu’il s’agit des éléments corruptibles et de leurs combinaisons. Le lieu de ces derniers corps ne les contient pas seulement, mais encore il les conserve ; le lieu des orbes inférieurs les contient sans les conserver[1].

IV
GILLES DE ROME


Sans tenir un compte excessif des considérations chronologiques nous placerons ici l’étude de ce que Gilles de Rome a écrit au sujet du lieu ; la pensée de cet auteur, en effet, demande à être continuellement comparée à celle de Saint Thomas d’Aquin.

Que le lieu propre et mobile d’un corps puisse être appelé lieu, matériel, que le nom de lieu formel convienne au lieu rationnel immobile, saint Thomas ne le dit pas ; mais on le peut conclure sans peine d’une comparaison qu’il emploie : « De même, dit-on, qu’un feu demeure identique quant à sa forme, bien que la com-

  1. On attribue à Thomas d’Aquin un traité de Logique, très clair et très concis, qui est intitulé : Somme de Logique Aristotéliciennea. Cette Somme traite successivement des Prédicables ou Universaux, des Prédicaments ou Catégories, de l’Énonciation (jugement) du Syllogisme, enfin de la Démonstration. C’est en la seconde partie, consacrée aux Catégories, que l’auteur parle du lieu et du mouvement.

    Ce qu’il en dit, nous ne le rapporterons pas ici ; non seulement le caractère apocryphe de la Somme de Logique, déjà reconnu par Prantlb, a été formellement établi par le R. P. Mandonnetc, mais les théories qui s’y trouvent exposées n’ont qu’un lieu de parenté extrêmement lâche avec les doctrines authentiques de Saint Thomas ; elles portent la trace bien reconnaissable d’une influence exercée par les débats qui ont suivi l’enseignement de Duns Scotd.

    a. Divi Thomæ Aquinatis Totius logicæ Aristotelis summa (D. Thomæ Aquinatis Opuscula ; opusc, XLVIII).

    b. Carl Prantl, Geschichte der Logik im Abendlande ; Leipzig, 1867 ; p. 250.

    c. P. Mandonnet, Op. laud.

    d. P. Duhem, Le mouvement absolu et le mouvement relatif. Note : Sur une Somme de Logique attribuée à Saint Thomas d’Aquin (Revue de Philosophie, 8e année, no 5 ; Ier mai 1909).