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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

mobile, au contraire, changent de lieu ; et ce changement n’existe pas seulement pour la raison ; il a lieu pour le sujet de chaque partie. Ce que l’on considère donc en un mouvement de révolution, ce n’est pas la succession en un même lieu de corps divers pris en leur totalité ; c’est seulement la succession en un même lieu des diverses parties d’un même corps. Dès lors, à un corps animé d’un mouvement de rotation, il n’est pas nécessaire d’attribuer un lieu d’ensemble ; il suffit d’attribuer un lieu aux parties de ce corps. »

« … Il est donc beaucoup plus convenable de dire que la huitième sphère est en un lieu par ses parties intrinsèques, que de prétendre qu’elle s’y trouve par un corps central tout à fait étranger à sa propre substance. Cela s’accorde beaucoup mieux, d’ailleurs, avec l’avis d’Aristote. »

Venons à la doctrine générale de saint Thomas touchant la nature et l’immobilité du lieu.

Nous avons vu qu’Aristote, en traitant cette question, avait adopté successivement deux définitions du lieu incompatibles entre elles. Il avait nommé, tout d’abord, lieu d’un corps la partie de la matière environnante qui est immédiatement contiguë à ce corps ; mais le lieu ainsi défini n’est pas immobile ; afin de lui assurer l’immobilité, Aristote a déclaré alors que le lieu d’un corps était la première surface immobile environnant ce corps.

Éviter ce changement de définition, jui constitue une faute grave de la logique, a été le principal objet des efforts de plusieurs commentateurs de l’École. Dans ce but, ils ont, en général, distingué deux sens du mot lieu : au premier de ces sens le lieu est mobile ; au second, il est immobile.

Une telle distinction se trouve déjà indiquée, si brièvement que la clarté en souffre, dans la Somme extrêmement concise que Robert Grosse-Tête, évêque de Lincoln, a composée sur la Physique d’Aristote.

Robert Grosse-Tête remarque[1] que le lieu d’un corps est un accident de ce corps, en sorte qu’il doit se mouvoir avec ce corps. À la difficulté ainsi soulevée, il consacre cetîe seule phrase : « Maté-

  1. Divi Roberti Linconensis Super octo libris physicorum brevis et utilis summa ; in lib. IV. — Cette somme se trouve à la fin de l’ouvrage suivant : Emptor et lector Aveto. Divi Thome Aquinatis In libros physicorum Aristotelis interpretatio sum et expositio… Colophon : … Impressa in inclyta Venetiarum urbe per Bonetum Locatellum Bergomensem presbyterum mandato et sumptibus heredum nobilis viri domini Octaviani Scoti civis Modoetiensis Anno a nativitate Domini quarto supra millesimum quinquiesque centesimum, sexto Idus Aprilis.