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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

notre attention sur la nécessité d’appuyer à un support fixe le moteur qui met un corps en mouvement ; il semble bien plus propre à lui signaler l’immobilité du corps central qui permet de constater un rotation.

Cette dernière idée est celle qui se présentait sans doute à l’esprit des lecteurs d’Albert le Grand. Pierre d’Auvergne nous en est garant. Maître éminent de l’Université de Paris, recteur de cette Université à la fin du xiiie siècle, Pierre d’Auvergne fut un des disciples les plus immédiats et les plus illustres d’Albert le Grand et de Saint Thomas d’Aquin. En son commentaire du traité De motibus animalium, il présente[1] les considérations suivantes, où l’influence de l’Évêque de Ratisbonne a laissé une trace bien visible :

« De même que le Ciel ne saurait se mouvoir s’il n’existait une chose fixe et immobile, de même le mouvement d’un animal exige qu’il existe hors de cet animal un support immobile auquel il puisse s’appuyer pour se mouvoir… Mais comprenons bien que la raison pour laquelle un corps étranger immobile est nécessaire, n’est pas tout à fait la même pour le Ciel et pour l’animal. Il est cependant un motif commun aux deux cas. En effet, pour qu’un corps soit en mouvement, il faut qu’il existe un autre corps par rapport auquel celui qui se meut est disposé d’autre manière en ce moment qu’il ne l’était tout à l’heure ; ce second corps est immobile ou du moins, s’il se meut, il diffère du premier, par la forme ou la vitesse de son mouvement ; si donc il se meut, il faudra ou bien que la série des mobiles se prolonge à l’infini, ou bien que l’on parvienne enfin à un terme tout à fait immobile. Cette raison-là est commune à l’animal et au Ciel. Mais il en est une autre qui est spéciale à l’animal. Pour se mouvoir, en effet, l’animal doit pousser et tirer… »

  1. In presenti volumine infrascripta invenies opuscula Aristotelis cum expositionibus sancti Thome : ac Petri de Alvernia. Perquam diligenter visa recognita : erroribusque innumeris purgata.

    Sanctus Thomas De sensu et sensato, De memoria et reminiscentia. De somno et vigilia. Ultimo altissimi Proculi (sic’) de causis cum ejusdem sancti Thome commentationibus.

    Petrus de Alvernia De motibus animalium, De longitudine et brevitate vite. De juventute et senectate. De respiratione et inspiratione. De morte et vita.

    Egidius Romanus De bona fortuna.

    Colophon : … Impressa vero Venetiis mandato sumptibusque Heredum nobilis viri domini Octaviani Scoli civis Modoentiensis, per Bonetum Locatellum presbyterum Bergomensem. Anno a partu virgineo saluberrimo septimo supra millesimum quinquiesque centesimum quinto Idus Novembris.

    Espositio super librum de motibus animalium secundum Petrum de Alvernia Lectio I, fol. 35, coll. b et c.