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LE LIEU

vement des animaux ; Albert le Grand, au contraire, a donné deux raphrases de cet ouvrage.

En l’une de ces paraphrases, il se montre[1] fidèlement attaché au sens des propositions formulées par l’auteur grec. Il admet qu’en dehors d’un corps mobile, il doit exister un corps fixe ; mais ce corps fixe n’est pas requis à titre de terme auquel on puisse comparer le mouvement ; il est nécessaire à titre de support, de soutien, auquel le moteur se puisse appuyer tandis qu’il produit son effort. Cette vérité est éclaircie à l’aide des exemples mêmes qui sont invoqués au De motibus animalium. À l’imitation de ce traité, d’ailleurs, Albert prouve que l’immobilité de la Terre n’est pas destinée à offrir un point d’appui au moteur qui produit les révolutions célestes.

La seconde paraphrase, beaucoup plus libre que la première, s’exprime en termes ambigus au sujet du corps fixe que suppose tout mouvement progressif ; il ne faudrait pas grand effort pour solliciter ces termes dans le sens du principe qu’Alexandre d’Aphrodisie, Thémistius, Simplicius et Averroès ont cru lire au traité Du mouvement des animaux.

Albert remarque d’abord[2] que toute partie mobile du corps d’un animal en mouvement s’appuie sur une autre partie de ce même corps ; si cette seconde partie n’est pas fixe, elle a à son tour un appui, et ainsi de suite ; de proche en proche, on parvient à une partie du corps qui est fixe.

En tout mouvement, on peut raisonner de même ; comme la série des corps mobiles ne saurait être prolongée à l’infini, on arrive nécessairement à cette conclusion : Tout mouvement progressif suppose un corps immobile. « Un tel mouvement est assurément analogue au mouvement du compas… Lorsque le compas se meut, il se meut en vertu de sa forme, en vertu de sa configuration de compas, qui lui donnent l’existence et qui le spécifient. Mais, en même temps, durant tout son mouvement, une de ses parties demeure attachée à un certain centre immobile : c’est autour de ce centre immobile que le compas mobile décrit un cercle. »

Cet exemple tiré du mouvement du compas n’appelle guère

  1. Beati Alberti Magni, Ratisbonensis episcopi, Ordinis Prædicatorum, Parva naturalia… recognita per R. A. P. F. Petrum Iammy. « Operum tomus quintus. Lugduni. MDCLI, Liber de motibus progressivis ; Tractatus I : De modo motus progressivi ; cap. II, III et IV, pp. 509-511.
  2. Beati Alberti MagniParva naturaliaLiber secundus de motibus animalium ; Tractatus I : De ipsis motibus et proprietatibus ipsorum ; cap. III, p. 125.