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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

par un corps moins noble ; or l’orbe de Mars est moins noble que l’orbe du soleil ; il ne peut donc contenir l’orbe du soleil et en être le lieu. »

À la question posée, donc, voici la réponse que donne Bacon :

« Je suppose que les orbes sont contigus les uns aux autres et qu’ils difièrent les uns des autres à la fois de différence numérique et de différence spécifique.

» Cela posé, j’observe qu’il y a deux sortes de lieux.

» Il y a le lieu autour duquel un corps est disposé (locus circa quem). Chaque orbe, tout comme l’ensemble des sphères ont, de la sorte, le centre pour lieu, car tout corps circulaire a un lieu autour duquel il est disposé.

» Il y a le lieu dans lequel un corps est contenu (locus in quo),

» Il peut alors être question d’un lieu dont on dit qu’il loge, qu’il contient, qu’il perfectionne, qu’il conserve, qu’il borne. Les orbes célestes n’ont pas de lieu de cette sorte, tandis que tel est le lieu naturel des corps inférieurs.

» Il peut aussi être question d’un lieu qui contienne seulement. Dans ce sens, chaque orbe inférieur a un lieu, car les orbes se contiennent les uns les autres ; mais, toutefois, comme ils n’en ont pas besoin, on dit que c’est seulement par accident qu’ils ont un tel lieu.

» Les orbes célestes ont donc le moins possible de la nature logée : sans le secours d’aucun lieu, en effet, ils sont parfaits en eux-mêmes, ils sont terminés et voient leur conservation assurée. »

En bien des points, l’opinion d’Albert le Grand sera voisine de celle de Roger Bacon ; mais, en général, elle s’exprimera avec moins de netteté.


III
ALBERT LE GRAND


Au sujet de la nature du mouvement et du lieu, Albert le Grand n’a rien dit de vraiment original[1] ; il s’est borné à commenter Aristote et Averroès.

Averroès n’a point donné de commentaire sur le traité Du mou-

  1. Sous ce titre : Liber de natura loci ex longitudine et latitudine ejusdem proveniente, Albert le Grand a composé un opuscule où l’on ne trouve rien sur la théorie générale du lieu et du mouvement, mais seulement d’intéressants développements sur la théorie du lieu naturel.