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LE LIEU

demeure ensuite en repos ; ce repos-ci est une privation de mouvement ; il suit le mouvement ; le mouvement du ciel précède ce repos et, semblablement, le repos des autres choses inférieures.

» Mais le premier repos est le repos de la terre en son lieu proprement dit ; aussi le mouvement et le lieu du ciel doivent-ils être ramenés à ce lieu [de la terre] comine étant ce qui les constitue proprement.

» — Ad aliud dico quod quies terre duplex est, quia terra secundum se totam in quantum est centrum mundi potlest considérari, et sic quiescit, sed non quiete que sit privatio motus, quia talis quies est totius terre in sua spera. Ideo ista quies precedit motum celi et de necessitate exigitur ad motum celi.

» Alia est quies terre secundum quod terra consideratur pro aliqua ejus parte, que prius movetur et deinde quiescit. Talis quies est privatio motus et sequitur motum ; et talem quietem precedit motus celi et quietem similiter aliorum inferiorum.

» Sed prima quies in loco est per se. Ideo motus celi et locus ejus ad istum locum habent reduci tanquam ad suum per se. »

Nous ne croyons pas qu’aucun maître de la Scolastique latine ait vu avec plus de clarté qu’elle avait été la pensée d’Aristote touchant le lieu du ciel ; nous ne pensons pas qu’aucun d’eux l’ait exprimée avec une telle précision. Aux prises avec une des théories les plus essentielles, mais aussi les plus déliées de la Physique péripatéticienne, Bacon, dès le temps où il enseignait à la Faculté des Arts de Paris, a su s’en rendre pleinement maître et donner, par là, une preuve bien frappante de sa perspicacité.

L’Univers entier a-t-il un lieu[1].

L’Univers comprend les huit sphères célestes et les quatre éléments ; or chacune de ces parties a un lieu, au moins par accident ; « le ciel, qui désigne la huitième sphère, a un lieu par accident, parce que son centre a un lieu proprement dit. » Dès lors, il est permis de dire que l’Univers dont toutes les parties ont moins un lieu par accident a, lui aussi, un lieu par accident.

Une dernière question sollicite l’attention de notre auteur[2] ; elle est relative au lieu de chacune des sphères inférieures.

On peut dire, semble-t-il, que chacune de ces sphères est en lieu parce qu’elle est contenue et enveloppée par l’orbe qui se trouve immédiatement au-dessus.

« Mais il n’est pas naturel qu’un corps plus noble soit contenu

  1. Roger Bacon, quæst. V ; ms. cit., fol. 47, col. b.
  2. Roger Bacon, Quæst. VI ; ms. cit., fol. 47, col. b.