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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

défendue par Averroès : « Le ciel a un lieu par accident parce que le centre du ciel a un lieu proprement dit (per se). »

Voici les considérations, très nettement péripatéticiennes, elles aussi, par lesquelles Bacon corrobore cette doctrine :

« Il est dit au huitième livre des Physiques que le ciel tient sa fixité de la fixité et du repos de son centre ; le ciel, en effet, demeure sans cesse fixe dans son ensemble, bien qu’il se meuve par ses parties ; c’est pourquoi Aristote et le Commentateur disent que le ciel, par sa substance, garde toujours le même lieu, bien qu’il en change par sa forme. Il est évident qu’un corps circulaire n’a, par lui-même, relation à rien [d’extérieur], mais qu’il a, à l’égard de son centre, un rapport essentiel, ce que j’accorde. Son mouvement se fait constamment autour de son centre ; en sorte que le seul lieu qu’il doive avoir, c’est un lieu autour duquel il soit placé (locum circa quem) ; ce lieu est premièrement et proprement (primo et per se) le lieu du centre du ciel ; il n’embrasse pas le ciel. Comme ce lieu n’embrasse pas et ne contient pas le ciel, qu’il est seulement un lieu autour duquel le ciel tourne, on dit qu’il est par accident le lieu du ciel. Mais premièrement et proprement, ce lieu est le lieu de la terre, car c’est la terre qu’il embrasse, contient et conserve. »

À cette solution, on a fait cette objection : « Le mouvement local du ciel précède tous les mouvements des choses inférieures, comme il est dit au huitième livre de la Physique ; le repos, d’ailleurs, n’est que la privation du mouvement ; le mouvement du ciel précède donc le repos de tout corps sublunaire ; ainsi précède-t-il le [repos du] centre. Mais dès là que le ciel a un mouvement local, il faut qu’il ait un lieu ; le lieu du ciel doit donc précéder tout repos et tout mouvement de la terre. Or la chose qui en précède une autre ne saurait être ramenée à celle qui la suit. » Il est donc inadmissible que l’existence du lieu du ciel se déduise de l’immobilité de la terre.

À cela, Bacon répond :

« Il y a deux sortes de repos de la terre.

» La terre peut être considérée dans son ensemble, en tant qu’elle est le centre du monde ; considérée de la sorte, elle est en repos ; mais ce repos, qui est celui de la terre entière dans sa sphère, n’est pas une privation de mouvement ; ce repos précède le mouvement du ciel, et il est requis d’une manière nécessaire pour le mouvement du ciel.

» Il est un autre repos de la terre. On peut, en effet, considérer la terre dans quelqu’une de ses parties qui se meut d’abord, et