Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
LE LIEU

Tout corps qui se meut de mouvement propre, per se [et non pas per accidens, en vertu du mouvement d'un autre corps auquel il adhère], requiert un corps immobile à l'égard duquel il se meut ; cela est affirmé par Aristote dans le traité Du mouvement des animaux. Sans doute, ce terme immobile constitue le lieu proprement dit (per se) du corps mobile lorsqu'il contient ce corps à son intérieur : au contraire, lorsqu'il ne renferme pas à son intérieur toutes les parties du corps mobile, ce terme immobile est lieu par accident du corps mobile ; c'est ce qui se produit pour les corps célestes. On voit donc que pour qu'un corps se meuve per se, il n’est pas nécessaire qu'il soit en un lieu per se. »

De la sorte, l'orbite suprême possède un lieu[1], mais un lieu par accident, à savoir le corps central immobile que requiert sa rotation.


II
LES QUESTIONS DE MAÎTRE ROGER BACON


De bonne heure, nous l'avons vu, les problèmes relatifs au lieu avaient commencé de préoccuper les maîtres de la Scolastique latine. Nous avons rapporté les indications que contiennent les écrits de Guillaume de Conches et de Gilbert de la Porrée ; les propos tenus par ce dernier au Traité des six principes seront souvent cités. Il nous faut, toutetois, arriver à Roger Bacon pour trouver un exposé des théories du lieu qu'avaient développées Aristote et ses Commentateurs.

Les Questions de Maître Roger Bacon sur la Physique d'Aristote vont nous montrer que dès le milieu du xiiie siècle, la discussion de la théorie du lieu avait pris, à la Faculté des Arts de Paris, un très ample bopunent.

Des deux séries de Questions sur la Physique que conserve le manuscrit d'Amiens, c'est la seconde série qui nous fournira surtout d'importants renseignements au sujet de la doctrine qui nous occupe

L'étude du quatrième livre conauit d'abord Bacon à quelques considérations, peu intéressantes, sur le lieu en général ; puis il examine une série de problèmes sur le lieu des divers corps en particulier ; il recherche quels sont les lieux naturels du feu, de

  1. Averroès, loc. cit., comm. 45.