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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

l’on attribue à Aristote : il imite en cela ce qu’avaient fait avant lui Alexandre d’Aphrodisias, Thémistius et Simplicius ; nous avons vu, cependant, combien le sens de la proposition formulée au Traité des mouvements des animaux différait de celui que lui prêtent tous ces commentateurs.

Alexandre, Thémistius, Simplicius, avaient eu recours à ce principe, détourné de sa véritable signification, pour appuyer la conclusion énoncée par Aristote : La rotation du Ciel requiert l’existence d’un corps central immobile. Averroès en fait le même usage[1].

La conclusion d’Aristote semble, d’ailleurs, d’autant plus importante à Averroès qu’elle lui sert d’argument contre le système des excentriques de Ptolémée. C’est afin de rejeter ce système qu’il répète cette proposition[2] : « Un corps qui se meut circulairement doit se mouvoir autour d’un centre fixe, » C’est encore l’Almageste qui se trouve visé dans le passage suivant[3] : « Il est absolument impossible qu’il y ait des épicycles. Un corps qui se meut circulairement se meut nécessairement de telle sorte que le centre de l’Univers soit le centre de son mouvement. Si le centre de sa révolution n’était pas le centre de l’Univers, il y aurait donc un centre hors celui-ci ; il faudrait alors qu’il existât une seconde Terre en dehors de cette Terre-ci, et cela est impossible selon les principes de la Physique, On peut en dire autant de l’excentrique dont Ptolémée suppose l’existence. Si les mouvements célestes admettaient plusieurs centres, il y aurait plusieurs corps graves extérieurs à cette Terre-ci. »

L’impossibilité du sytème de Ptolémée est ainsi rattachée par Averroès au principe qu’il prétend tiré du De motibus animalium : Tout corps en mouvement suppose l’existence d’un corps en repos. Mais les conséquences de ce principe ne sont pas épuisées ; Ibn Roschd va encore en déduire une solution des difficultés relatives au lieu de la huitième sphère.

Après avoir rappelé ce qu’ont dit Alexandre, Thémistius, Jean Philopon, Avicenne, Avempace, de cette « grande question », le Commentateur ajoute[4] : « Voici ce qu’il faut déclarer à ce sujet :

  1. Averrois Cordubensis Commentarii in Quatuor libros Aristotelis de Cælo et Mundo ; lib. II, summa secunda, quæst. II, comm. 17.
  2. Averrois Cordubensis Commentarii in quatuor libros Aristotelis de Cælo et Mundo ; lib. II, summa secunda, quæst. V, comm. 35.
  3. Averrois Cordubensis Expositio in XII libros Metaphysicæ Aristotelis ; lib. XII, summa secunda, cap. IV, comm. 45.
  4. Averrois Cordubensis Commentaria magna in octo libros Aristotelis de physico auditu ; lib. IV, summa prima, cap. IX, comm. 43.