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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

de l’autre résidu, et ainsi sans fin. Et ce fait par ymaginacion, tout cest corps soit appelé C.

» Item soit un corps infini tel, ne plus ne moins, comme celui qui fu mis en l’imaginacion précédente, qui estoit appelé abcd, etc. Et soit cest corps appelé D.

» Je dis doncques que le corps appelé G est infini en long et en lay de toutes pars, mes non pas en profont. Et D ne est infini, fors seulement en long et d’une part. Et toutevoies, C est simplement fini et équal à a qui ne est que d’un pié. Et D est simplement infini et ne est pas mendre que un corps infini de toutes pars et qui tout occuperoit.

» Et encore pourroit-l-en cest ymaginacion conforter et dilater et faire conclusions plus merveilleuses ; mes ceci souffit quant à présent, »

Citons une dernière réponse d’Oresme à Aristote[1]. Le Stagirite disait : « Ce n’est pas possible que un corps infini de parties semblables soit meu en circuite, car tel corps ne a point de milieu ou de centre, et tout ce qui est meu en circuite a milieu. »

À cela, l’Évêque de Lisieux répond : « Par aventure, ceste raison n’est pas purement évidente, car l’en pourroit dire que, en tel corps, est le milieu et le centre du mouvement, mes non pas le milieu de sa quantité, qui ne diroit que, de tel corps, le centre est partout et la circonférence nulle part. »

Quel qu’ait été le parti pris par Oresme en la discussion relative à l’infini, qu’il ait admis ou non la possibilité de l’infini catégorique, les problèmes qu’l traitait « pas esbatement » étaient bien propres à montrer aux tenants des deux opinions adverses avec quelles minutieuses précautions il convenait de raisonner touchant l’égalité ou l’inégalité des grandeurs infinies.

Après Nicole Oresme, l’École de Paris ne nous présente plus, au xive siècle, aucun docteur qui ait su, en ce grave débat relatif à l’infini, proposer quelque solution nette et originale. Marsile d’Inghen n’est plus que l’écho indécis de ses prédécesseurs.

En son Abrégé du livre des Physiques, Marsile d’Inghen se borne à répéter sommairement[2] les propositions de Jean Buridan : « Il est impossible qu’un morceau de bois soit divisé en toutes ses parties proportionnelles qui se suivent suivant une raison déterminée (conséquenter se habentes)

  1. Nicole Oresme, Op. laud., lib. I, « ou XV chapitre, il monstre par autres raisons plus générales et moins évidentes que nul corps ne puet estre infini. » Ms. cil.r fol. i4, cob b.
  2. Abbreviationes libri Phisicorum edite a prestantissimo philosopho Marsilio Inguen, fol. sig. d, col. d. et fol. sig. d. 2, coll. a et b.