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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

les parties proportionnelles du cylindre ; or il n’existe pas de semblable ligne qui soit tracée le long de toutes ces parties. »

Toute l’argumentation de Buridan repose, on le voit, sur la vérité dont nous avons entendu un si clair exposé de la bouche de Walter Burley et dont, au dire de ce dernier, « la connaissance n’était pas fort commune. »

Buridan poursuit en ces termes[1] :

« Il n’y a donc aucune ligne hélicoïdale qui soit tracée le long de toutes ces parties proportionnelles. Lorsque l’on m’objecte : Il y a cependant une telle ligne qui entoure non seulement trois ou quatre parties proportionnelles, mais cent, mais mille, je l’accorde ; et quel que soit le nombre que vous énonciez, il y a une ligne hélicoïdale qui entoure ce même nombre de parties proportionnelles. Mais, lorsque vous dites : Puisqu’il y a une ligne hélicoïdale qui est tracée le long de tant de parties proportionnelles, il n’y a aucune raison pour qu’une telle ligne ne les entoure pas toutes, je réponds : Au contraire, il y a une raison très grave ; j’accorderai bien, en effet, cette proposition collective (copulativa) : Il y a une ligne qui entoure trois parties proportionnelles, il y en a une autre qui entoure dix parties, une autre qui en entoure cent, une autre qui en entoure mille, et ainsi à 1’infini : mais je n’accorderai pas cette proposition catégorique où le dernier terme est collectif (de copulato extremo) : Il y a une certaine ligne hélicoïdale qui entoure trois parties, dix, cent, mille parties, et ainsi sans fin. De même, j’accorderai bien cette proposition [syncatégorique] : Le long de toutes les parties, une ligne hélicoïdale est tracée ; mais je n’accorderai pas cette proposition [catégorique] : Une ligne hélicoïdale est tracée le long de toutes les parties. Et derechef, bien qu’il y ait une ligne hélicoïdale qui embrasse cent parties proportionnelles ou mille parties ou n’importe quel nombre de parties, il n’y en a aucune qui soit tracée le long d’une infinité de parties ou le long de toutes les parties car il n’y a pas de parties qui soient une infinité de parties et il n’y a pas de parties qui soient toutes les parties, que nous prenions le mot : toutes au sens collectif ou que nous le prenions au sens distributif (quia nullæ sunt infinitæ, et nullæ sunt omnes, sire sumamus : omnes collective sive distributive). C’est ce que nous verrons tout à l’heure. »

Voilà donc, nettement formulé, un principe exactement contraire à celui dont se réclamait Grégoire de Rimini.

  1. Jean Buridan, loc. cit., fol. lix, col. c.