Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

tiels dont les hauteurs formeront une progression géométrique décroissante de raison

Cela fait, à la surface du premier cylindre partiel, traçons une hélice qui ait pour pas la hauteur de ce premier cylindre. À partir du point où s’arrête cette première hélice, traçons, à la surface du second cylindre, une hélice qui ait pour pas la hauteur du second cylindre. Continuons indéfiniment selon la meme règle. Telle est la loi de construction de la ligne hélicoïde, la linea gyrativa qui, une fois tracée, aura une longueur catégoriquement infinie,

Cette manière de réaliser une grandeur catégoriquement infinie a, évidemment, la plus grande analogie avec celle que concevait Grégoire de Rimini lorsqu’il divisait une heure en parties proportionnelles et lorsqu’il supposait que Dieu, en chacune de ces parties, créait une pierre d’un pied cube. Mais elle a, sur cette dernière, l’avantage de ne pas faire intervenir, en ce problème, le pouvoir créateur de Dieu, et donc de ne pas mêler entre elles deux questions qui ne semblent pas liées l’une à l’autre.

Est-il vrai que l’on puisse obtenir ainsi, d’une manière actuelle, une ligue infiniment longue ? « À mon gré, dit Buridan [1], cette question est fort difficile. — Ista quæstio est mihi valde difficilis. » Afin d’y répondre, voici les conclusions qu’il pose :

« Première conclusion : Si l’on commence à l’une des extrémités du cylindre et si l’on s’avance vers l’autre extrémité par parties proportionnelles consécutives de raison il n’y a pas de dernière partie proportionnelle. Chaque partie proportionnelle, en effet, laisse après elle une autre partie qui lui est égale ; celle-ci, à son tour, est divisible en deux moitiés dont la première est partie proportionnelle aux précédentes…

» De là suit cette seconde conclusion : Soient A l’une des extrémités du cylindre B et C l’autre extrémité. Commençons à former les parties proportionnelles depuis A en allant vers C. Notre conclusion est celle-ci : Il n’y a pas, suivant ce procédé, de partie proportionnelle qui atteigne à l’extrémité C. Il n’y a pas, non plus, une partie proportionnelle qui soit plus proche que toute autre, de cette même extrémité C. Une telle partie, en effet, serait la dernière, et il a été dit qu’il n’y en a aucune qui soit la dernière…

« Douzième conclusion[2] ; À toute ligne hélicoïdale dessinée le long de certaines parties proportionnelles, correspond une ligne droite qui traverse les mêmes parties proportionnelles. » Il suffit,

  1. Jean Buridan, loc. cit., fol. lviij, col. d.
  2. Jean Buridan, loc. cit., fol. lix, col. b.