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L’INFINIMENT GRAND

Nous terminerons par cette citation l’exposé du système de Grégoire de Rimini ; la pensée qu’elle renferme, et dont Robert Holkot nous a déjà fait entendre l’expression, est vraiment la pensée maîtresse de ce système. Que l’on conçoive une grandeur continue et un mode de subdivision capable de distinguer, en cette grandeur, une infinité de parties. On ne doit pas dire qu’en cette grandeur, ces parties existent seulement en puissance ; elles y sont vraiment en acte, bien qu’elles ne soient pas séparées. En sorte qu’en prenant les mots au sens collectif, catégorique, on peut dire que la grandeur considérée est l’ensemble de ses parties ; que se donner cette grandeur, c’est se donner l’ensemble de ses parties ; que franchir cette grandeur, c’est franchir l’ensemble de ses parties. Ce principe accordé, toute la doctrine de Grégoire de Rimini en résulte. C’est à ce principe que devront s’attaquer les adversaires de cette doctrine s’ils veulent que leurs arguments aient quelque efficace.


V
LES ADVERSAIRES DE GRÉGOIRE DE RIMINI.
JEAN BURIDAN. ALBERT DE SAXE


Au problème de l’infini, Jean Buridan consacre les six dernières questions[1] sur le troisième livre de la Physique d’Aristote. En ces six questions, il discute pied à pied la doctrine de Grégoire de Rimini afin de prouver qu’en toute espèce de grandeurs, l’infini syncatégorique est possible tandis que l’infini catégorique est impossible.

Parmi ces six questions, il en est une[2] qui porte le titre suivant : « Y a-t-il une ligne hélicoïdale qui soit infime, en prenant toujours le mot infini au sens catégorique ? » Il s’agit d’un exemple de ligne infinie qui ne se rencontre pas au commentaire sur les Sentences composé par Grégoire de Rimini, mais qui procède très nettement de l’esprit de ce commentaire. Voici quel est cet exemple : Prenons un cylindre droit de hauteur donnée ; divisons-en la hauteur en parties proportionnelles de raison par les points de division, menons des plans parallèles à la base ; nous décomposerons ainsi le cylindre total en une suite infinie de cylindres par-

  1. Johannis Buridani Quæstiones super octo physicorum libros Aristotelis, lib. III, quæst. XIV, XV, XVI, XVII, XVIII et XIX.
  2. Johannis Buridani Op. laud., lib. III, quæst. XVI : Utrum aliqua linea gyrativa sit infinita ?