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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

infinité de nombres de parties, et aucun de ces nombres n’est le dernier. »

Si Dieu peut, durant un temps fini divisé en parties proportionnelles, créer une grandeur infinie par addition de grandeurs égales, il peut tout aussi bien, durant ce même temps, subdiviser un continu en parties sous-doubles les unes des autres ; la possibilité d’un infini catégorique implique donc qu’un continu puisse être actuellement divisé à l’infini. À part François de Mayronnes et Jean de Bassols, la plupart des Scolastiques ont admis la corrélation de ces deux propositions ; niant alors qu’un continu pût être actuellement divisé à l’infini, ils en ont conclu l’impossibilité de l’infini catégorique.

Grégoire de Rimini admet, lui aussi, cette corrélation, mais il en use en sens inverse ; comme il admet l’existence de l’infini actuel, il admet aussi la divisibilité actuellement infinie de toute grandeur continue.

Que le mot infini soit pris au sens catégorique ou au sens syncatégorique, notre logicien enseigne[1] « que toute grandeur est composée d’une multitude infinie de grandeurs partielles égales entre elles. » Il formule explicitement ces deux propositions :

« Toute grandeur a une infinité de parties égales, le mot infini étant pris au sens syncatégorique…

» Toute grandeur a une infinité de parties égales, le mot infini étant pris au sens catégorique. »

Cette dernière proposition fournit meme à Grégoire[2] un argument dont il use pour prouver que l’existence actuelle n’est pas en contradiction avec l’infinitude : « Je dis qu’il n’est pas de la nature de l’infini tout court que quelque chose de cet infini demeure toujours en puissance ; cela se voit clairement en la multitude infinie des parties d’un continu ; chacune de ces parties est en acte comme chacune des autres ; il n’est pas vrai qu’une certaine partie de ce continu soit en acte et une autre seulement en puissance.

Non est de ratione infiniti simpliciter sumpti quod aliquid ejus sit tantum in potentia : quod patet in multitudine infinita partum continui, quarum quælibet est actu sicut aliqua earum ; nec ejus est aliqua pars in actu, aliqua vero in potentia tantum. »

  1. Gregorius de Arimino In secundo Sententiarum, Dist. II, quæst. II : Utrum angelus sit in loco divisibili aut indivisibili ; Art. II : An magnitudo componatur ex indivisilibus. Éd. Claude Chevallon, fol. xxxv, coll. c et d ; éd. Venetiis, 1518, fol. 30, col. b.
  2. Gregorius de Arimino In primo Sententiarum, Distt. XLII, XLIII et XLIV, quæst. IV, art. II. Éd. Claude Chevallon, fol. clxxix, col. a ; éd. Venetiis, 1518, fol. 155, coll. c et d.