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L’INFINIMENT GRAND

l’ensemble des choses dont chacune est une de ses parties. En ces propositions, les mots ensemble des choses (omnia) sont pris au sens collectif. »

Les logiciens avaient insisté sur cette affirmation : Une proposition, vraie au sens syncatégorique ou divisé, peut être fausse au sens catégorique ou composé. Inversement, Grégoire de Rimini montre par de nombreux exemples qu’à une proposition fausse au sens distributif peut correspondre une proposition vraie au sens collectif.

S’agit-il d’une heure divisée en parties proportionnelles[1] et de l’instant qui la termine ? Il serait faux de formuler cette proposition distributive : Avant cet instant, toute partie de l’heure était passée. Mais il est vrai de formuler cette proposition collective : Toute partie de l’heure était passée avant cet instant.

De même, s’agit-il d’une forme qui, en une heure passe avec une vitesse constante d’un degré à un autre, croissant par parties proportionnelles qui correspondent aux parties proportionnelles de l’heure ? « Ces deux propositions sont également vraies : Toute partie proportionnelle de cette forme qui existe à l’instant final de l’heure, a existé avant cet instant. En aucun instant, en aucun temps avant cet instant final, il n’existait une infinité de parties proportionnelles de cette forme. »

C’est par une semblable distinction que l’on résoudra[2] l’argument paradoxal d’Achille et de la tortue. C’est par une semblable distinction que l’on accordera le principe de Burley : En une heure divisée en parties proportionnelles, il n’y a pas de dernière partie, et cette proposition : En une telle heure, Dieu peut créer un rectangle de hauteur infinie. « À la fin de l’heure[3], il n’y a pas un certain rectangle ou une certaine figure totale ; il y a une grandeur infinie comprenant une infinité de rectangles donc aucun n’est le dernier. De même, lorsqu’une forme croît d’une manière continue, en chacun des instants qui terminent les parties proportionnelles successives de l’heure, à partir de la seconde, il existe un nombre toujours plus grand de parties de la forme, et cependant, à la fin de l’heure, il n’y a aucun nombre qui soit le nombre de ces parties, mais il y a une multitude infinie qui comprend une

  1. Gregoire de Rimini loc. cit., éd. Claude Chevallon, fol. clxxx, col. d ; éd. Venetiis, 1518, fol. 157, col. b.
  2. Gregoire de Rimini loc. cit., éd. Claude Chevallon, fol. clxxxj, col. c ; éd. Venetiis, 1518, fol. 157, col. d.
  3. Gregoire de Rimini loc. cit., éd. Claude Chevallon, ibid. ; éd. Venetiis, 1518, fol. 158, col. a.