Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
L’INFINIMENT GRAND

quent tous les objets qui forment la seconde, et lorsqu’elle contient, en outre, un objet ou des objets distincts de tous ceux-là et de chacun d’eux. Eu ce sens-là, une multitude infinie peut être partie d’une autre multitude infinie.

» Au second sens, pour qu’une multitude soit un tout par rapport à une autre multitude, il faut d’abord, comme au premier sens, qu’elle contienne cette seconde multitude ; il faut, en outre, qu’elle contienne un nombre déterminé de choses de grandeur déterminée (tanta tot), c’est-à-dire un nombre déterminé de groupes d’objets tels que la quantité de chaque groupe soit déterminée (par exemple, un nombre déterminé de groupes de deux unités ou de trois unités) qui ne soient pas compris en la multitude contenue ; inversement, celle-ci est dite partie de la multitude contenante.

» En ce second sens, une multitude infinie ne peut être ni tout ni partie à l’égard d’une autre multitude infinie ; il n’existe pas, en effet, de nombre déterminé de groupes de tant d’unités (tot tanta) qui soit contenu en l’une des multitudes et point en l’autre, car chacune d’elles contient une infinité de fois un groupe de tant d’unités (infinities tantum) ou une infinité de groupes dont chacun compte tant d’unités (infinita tanta). »

Grégoire de Rimini introduit des distinctions analogues en la signification des mots : plus grand, plus petit[1]. « Ces mots peuvent être pris au sens propre ; c’est ainsi qu’une multitude est dite plus grande qu’une autre lorsqu’elle contient non seulement un nombre aussi grand d’unités que cette dernière, mais encore un nombre plus grand (tantumdem et plures) ; une multitude, au contraire, est dite moindre qu’une autre lorsqu’elle renferme un moindre nombre d unités (pauciores).

» Ces mots peuvent être pris aussi en un sens impropre ; si une multitude contient toutes les unités d’une autre multitude et, en outre, certaines unités différentes de celles-là, on dit qu’elle est plus grande que cette dernière multitude, lors même qu’elle ne contient pas un plus grand nombre d’unités (plures unitates) que la seconde multitude.

» En ce second sens, dire qu’une multitude est plus grande qu’une autre, c’est dire simplement qu’elle comprend cette autre, qu’elle est un tout par rapport à cette autre, en prenant le mot tout au premier sens.

  1. Grégoire de Rimini, loc. cit. ; éd. Claude Chevallon, ibid. ; éd. Venetiis, 1518, fol. 156, col. a.