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L’INFINIMENT GRAND


IV
LA POSSIBILITÉ DE L’INFINI CATÉGORIQUE (suite).
LA DOCTRINE DE GRÉGOIRE DE RIMINI


Si l’étude de l’infini catégorique n’avait provoqué, au Moyen Âge, que les essais de Jean de Baconthorpe, de François de Mayronnes, de Jean de Bassols, de Robert Holkolt, elle ne mériterait peut-être guère de retenir l’attention de l’historien ; ces essais, en effet, ne sont pas des doctrines ; ce sont de simples tâtonnements. Mais voici que cette même étude va donner lieu à une théorie qui est une de celles où la force logique du xive siècle a le mieux dorme sa mesure, à la théorie de Grégoire de Rimini ; et du coup, les tentatives des prédécesseurs de Grégoire en reçoivent un regain d’intérêt, car elles apparaissent maintenant comme les ébauches de la doctrine qu’achèvera le Maître augustin.

Nous avons dit, déjà, comment Grégoire définissait la grandeur catégoriquement infinie. Ce n’est pas, pour lui, une grandeur telle qu’il n’en existe pas de plus grande. De même qu’il a caractérisé l’infini syncatégorique par cette formule : Quantocunque finito majus, il dit, de la grandeur catégoriquement infinie, qu’elle est : Majus quanto cunque finito, plus grande que toute quantité finie, si grande que soit celle-ci. On peut donc dire très exactement que, pour Grégoire de Rimini, la grandeur catégoriquement infinie, c’est la grandeur transfinie.

Contre la possibilité de l’infini syncatégorique, une multitude d’objections sont courantes dans les écoles. En effet, par des artifices variés, on tire de cette possibilité des conclusions de cette sorte[1] : On peut ajouter quelque chose à l’infini, il peut y avoir quelque chose de plus grand que l’infini, un infini peut être multiple d’un autre, etc. Ces conclusions, on les réputé absurdes, et on en déduit que la possibilité de l’infini catégorique est contradictoire.

Valables contre un infini qui serait conçu comme une grandeur telle qu’il n’en put exister de plus grande, ces objections sont sans force contre l’infini catégorique tel que Grégoire de Rimini l’a

  1. Gregorius de Arimino In primo sententiarum ; Distt. XLII, XLIII, XLIV, quæst. IV : Utrum Deus per infinitam suam potentiam posset producere effectum aliquem actu infinitum ; art II — Gregorius de Arimino In secundo sententiarum ; Dist. I, quæst. III : Utrum per aliquam potentiam fuerit possibile aliquam rem aliam a Deo fuisse ab æterno ; art. II.