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L’INFINIMENT GRAND

» Je vous en donne un exemple. Imaginons une ligne droite infinie dans les deux sens et coupons-là en un point ; il est manifeste que chacune des deux parties est infinie en acte…

» Le troisième genre d’infini est celui-ci : On dit d’une chose qu’elle est infinie en acte selon le degré qui convient à sa propre espèce ; cette chose-là est infinie de telle manière que ce qui en est déjà pris par elle soit infini en acte, et qu’il ne lui reste plus rien à prendre, qu’on ne lui puisse ajouter aucun degré nouveau de la même espèce. Un tel infini comprend en lui, d’une manière actuelle, tous les degrés [de la même espèce] qu’il est possible de poser en acte.

» Je vous en donne un exemple. Imaginons une ligne droite actuellement infinie dans les deux sens, constituée par toutes les lignes droites qu’il est possible de poser en acte, de telle manière que toutes les lignes qu’il est possible de poser se trouvent comprises et contenues en cette ligne droite infinie. Une telle ligne droite serait infinie de telle façon qu’aucune autre ligne ne lui pourrait être ajoutée, puisqu’en elle, toute ligne se trouve déjà contenue. »

Ces deux sortes d’infinis actuels, le premier Moteur peut également les produire, qu’il s’agisse, d’ailleurs, d’infinis en nombre ou d’infinis en grandeur continue :

« La première proposition[1] que nous formulerons est la suivante : La force productive du premier Moteur s’étend à la production d’infinis en nombre (secundum multitudinem). En voici la preuve :

» Des choses qui n’ont aucune répugnance à être et exister simultanément ne répugnent pas à être produites simultanément, en particulier lorsque cette production est l’œuvre d’une force de vigueur infinie.

» Mais les individus singuliers, dont la multitude est infinie, d’une même nature, n’ont aucune répugnance à être et exister simultanément, car il n’y a, entre eux, nulle opposition.

» Cette force infinie en vigueur peut, donc produire une multitude infinie d’individus tous compris dans la même espèce.

» Cette mineure, que ces individus singuliers, dont la multitude est infinie, n’aient aucune répugnance à coexister, on la peut prouver d’une autre manière : Là où il n’y a pas plus de répugnance dans un plus grand nombre que dans un nombre plus

  1. Nicolai Boneti Op. laud., lib. VII, cap, XI ; ms. no 16132, fol. 287, coll. a et b.