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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

nies en nombre[1],… car, étant moins nombreuses [que les révolutions de la Lune], elles pourraient voir leur nombre croître par addition, ce qui est impossible à un nombre infini. »

Il y a plus de logique dans les considérations de François de Mayronnes sur la possibilité de l’infini actuel.

Indiquons sommairement ce que François de Mayronnes dit, tout d’abord, de la multitude actuellement infinie, puis de la grandeur actuellement infinie[2].

Que Dieu puisse produire une multitude actuellement infinie d’objets distincts et subsistants, notre auteur en donne diverses raisons, parmi lesquelles notre attention s’arrêtera surtout à celle-ci ; « Étant donnée une multitude finie quelconque d’individus dont la production simultanée n’implique aucune répugnance, Dieu peut produire ces individus tous ensemble ; et il n’est pas possible d’assigner au nombre de ces individus une valeur si grande que Dieu ne puisse en produire encore tout autant. Il semble donc qu’il en peut produire simultanément une infinité. »

Ce raisonnement ne serait nullement concluant si l’on n’admettait le principe suivant : La possibilité de produire une multitude syncatégoriquement infinie suppose la possibilité de produire une multitude catégoriquement infinie.

Que l’admission d’un tel principe soit bien conforme à la pensée de notre auteur, nous allons en avoir l’assurance en lisant ce qu’il a écrit de la grandeur infinie.

Que Dieu puisse créer une grandeur actuellement infinie, cela résulte de la possibilité de la multitude infinie « Il a été démontré que Dieu peut créer une multitude actuellement infinie ; admettons qu’il crée une infinité de gouttes d’eau ; ces gouttes, il peut les réunir ensemble et, par conséquent, créer une masse d’eau infinie. »

Mais la possibilité de la grandeur infinie actuelle peut aussi s’établir directement, et cela de la manière suivante :

« Dans le domaine des choses finies, il n’est pas possible de progresser à l’infini ; si donc Dieu ne peut créer d’un seul coup une grandeur infinie, on pourra assigner une grandeur telle que Dieu ne puisse, d’un seul coup, rien créer qui la surpasse, ce qui est faux… Car, quelque grande que soit une chose créée par

  1. Jean de Baconthorpe, loc. cit., fol, XXI, col. b.
  2. Illuminati doctoris fratris, Francisci de Mayronis ordinis minorumn in Primum Sententiarum scriptum Conflatus nominatum., Dist. XLIII et XLIV, quæst, X : Utrum Deus potuit producere aliquid actualiter infinitum ; art… I et II (Francisci de Mayronis Opera, éd. Venetiis, 1520, fol. 128, col. d ; fol. 129, coll. a, b, c.)