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L’INFINIMENT GRAND

s’attachera à creuser le sens profond : « Les mots : égal, plus grand, plus petit, ne sauraient convenir à des volumes, à moins qu’ils ne soient finis. Avant, en effet, que l’on ne puisse appliquer à la quantité les mots égal ou inégal, il faut la diviser en quantité finie et quantité infinie ; la raison par laquelle une quantité est plus grande consiste dans le fait d’excéder la raison de l’égalité dans le fait d’avoir même mesure (commensurari), toutes choses qui semblent indiquer qu’il s’agit d’une grandeur finie ; ou doit donc nier qu’un infini puisse être égal à un autre infini ; plus et moins désignent des différences entre quantités limes, et non entre quantités infinies. »

Par ces diverses remarques, Duns Scot fraye la voie à ceux qui vont soutenir que la multitude infinie actuelle, que la grandeur infinie actuelle sont possibles. Parmi ceux-là, donc, nous ne nous étonnerons pas de rencontrer deux des plus éminents disciples du Docteur Subtil, François de Mayronnes et Jean de Bassols.

Mais avant d’exposer la doctrine de ces deux scolistes, nous résumerons celle d’un autre tenant de l’infini actuel, du carme Jean Bacon de Baconthorpe ; les théories que nous aurons à passer en revue se présenteront ainsi dans l’ordre de la perfection croissante.

Si l’on en croit une antique généalogie de la famille Bacon, Jean Bacon de Baconthorpe[1] était le troisième fils de Sir Thomas Bacon of Baconthorpe, et l’arrière-neveu de Roger Bacon. Il entra dans l’ordre des Carmes. En 1327, nous le voyons prendre part au chapitre général tenu par l’ordre à Albi. En 1329, un chapitre provincial, tenu à Londres, l’élit prieur de la province d’Angleterre. C’est avec ce titre de prieur provincial d’Angleterre qu’il prit rang au Chapitre général tenu à Valence en 1330. Il demeura provincial d’Angleterre jusqu’en 1333, année où il prend part au Chapitre général de Nîmes. Il mourut à Londres en 1346 et fut enseveli dans l’Église des Carmes.

De Jean de Baconthorpe, on possède un volumineux commentaire aux Sentences de Pierre Lombard[2] ; ce commentaire a eu, auprès des Scolastiques, grande vogue et grande autorité.

  1. T. A. Archer, art. Baconthorpe, Bacon or Bacho (John), in National Biography, edited by Sidney Lee, vol. II, pp. 379-381.
  2. Edicitur per gratiam et Regium Privilegium sub pena in eo contententa ne quis æditionem hanc iterurn attentare ausit in toto hoc Mediolanensi DucatuEn Lector Doctoris resolute Ioannis Bacconis Anglici Carmelitæ radiantissimum opus super quatuor sententiarum libris. In cuius Fonte lotius sapientiæ uberrimos invenies latices. Nam si dei opt. maximi penetralia adire suadet animus : nemo melius : nemo accurabilis (sic) essentiam mandavit litteris. Si rerum causas : si naturæ effectus ; si cæli varios motus ac elementorum contrarias qualitates discere eæoplus : una se hic offert officina : ubi omnia cuduntur in qua ani-