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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

semble surtout viser les raisonnements de Jean de Bassols dont, parfois, il reproduit presque textuellement les paroles. Si le Docteur dominicain a été tenté d’attribuer à Dieu le pouvoir de produire un infini actuel, le tentateur n’était-il pas le Docteur franciscain ?

Après Durand de Saint-Pourçain, nous aurons encore à étudier deux très savants champions de la thèse proposée par Richard de Middleton et par Guillaume d’Ockam ; nous voulons parler de Jean Buridan et d’Albert de Saxe ; mais ceux-ci auront subi le choc des doctrines élaborées par les divers tenants de l’infini catégorique, depuis les premières tentatives qui aient été faites en faveur de cet infini jusqu’au puissant système de Grégoire de Rimini.


III
LA POSSIBILITÉ DE L’INFINI CATEGORIQUE.
LES PREMIÈRES TENTATIVES


On ne saurait mettre d’une manière assurée Jean de Duns Scot ni parmi les partisans du seul infini syncatégorique ni parmi les partisans de l’infini catégorique ; du débat qui les allait mettre aux prises, il n’a dit que quelques mots[1] et sans prendre parti. En ces quelques mots du Docteur Subtil, cependant, se trouvent des indications qui seront développées par ceux qui croient possibles la multitude et la grandeur catégoriquement infinies.

En faveur de l’infini en acte, Jean de Duns émet, tout d’abord, une remarque qui est d’importance : L’impossibilité, pour notre esprit, de concevoir autre chose que l’infini en puissance n’entraîne pas nécessairement l’impossibilité de l’infini en acte. En particulier, le Docteur Subtil semble admettre qu’une heure contient une infinité actuelle d’instants, bien que notre esprit n’y puisse concevoir qu’une infinité potentielle de parties indéfiniment décroissantes.

Duns Scot dit quelques mots de cet argument si fréquemment employé : Si l’infini existait, la partie serait égale au tout, et d’autres arguments semblables ; il observe que plusieurs de ces arguments sont purement sophistiques. Il énonce ce principe, que Jean de Bassols traitera avec dédain, mais dont Grégoire de Rimini

  1. Joannis Duns Scoti Scriptum Oxomense, Lib. II, Dist. I, quæst. III : Utrum possible sit Deum producere aliquid aliud a se sine principio.