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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

avec la première, quelque chose qui, de soi, est un ; mais elle ne se distingue pas de la première par le lieu et la situation ; ainsi en est-il quand un corps qui est blanc en sa totalité devient plus blanc qu’il n’était auparavant. »

Ces distinctions posées, voici la première conclusion que formule Ockam :

« L’accroissement, en extension, entendu au premier sens du mot, progresse à l’infini ; étant donnée une forme quelconque, susceptible d’accroissement, Dieu peut en faire une plus grande.

» La raison de cette conclusion dépend de trois propositions, dont voici la première : Dieu peut, indéfiniment, créer des individus de même nature, en sorte qu’un individu quelconque étant donné, Dieu peut faire un autre individu de même sorte…

» La seconde proposition est celle-ci : Un individu quelconque étant posé, Dieu peut faire un individu de même sorte sans détruire le premier…

» La troisième proposition est la suivante : Des individus quelconque qui sont de même sorte sont susceptibles de s’unir pour former un tout homogène (æquabiliter unibilia). Ainsi des masses d’eau quelconque peuvent se réunir les unes aux autres en formant un tout homogène…

» Il résulte de là que Dieu ne saurait faire une telle forme de ce genre, qu’il n’en puisse faire une plus grande ; en effet, une forme quelconque étant donnée, Dieu pourrait toujours faire un autre individu de même sorte, et unir ce second individu au premier ; le tout résultant, sera donc plus grand que n’était, le premier. Une masse d’eau finie quelconque étant faite, je ne vois pas ce qui empêcherait Dreu de créer une goutte d’eau et de la joindre à la masse d’eau précédente… »

« On voit que l’autorité du Philosophe ne doit pas être reçue en cette question, car à ces objets susceptibles d’accroissement, il impose un terme fort petit. Il pose, en effet, qu’il y aurait contradiction à ce que le volume de beau fût accru jusqu’à la grandeur de la sphère de toutes les substances sublunaires soumises à la génération et à la corruption. C’est ce qu’il ne faut pas admettre, car Dieu pourrait créer un autre Monde ; bien mieux, je crois qu’il ne saurait créer tant de Mondes finis qu’il n’en pût créer davantage ; il n’y aurait aucune contradiction à ce que de toutes les eaux ainsi créées, il formât une masse d’eau unique. »

Laissons de côté ce qu’Ockam dit des deux autres modes d’accroissement, et venons à ce que notre Docteur dit au sujet de l’infini actuel.