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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

Que la lecture des œuvres d’Aristote ne suffise pas à qui veut entendre les sciences, Bacon en donne comme première raison les défauts des traductions et des commentaires par lesquels les Latins connaissent ces œuvres : « Ceux qui[1], à plusieurs reprises, ont attentivement entendu exposer les livres d’Aristote, qui les ont enseignés longtemps et plusieurs lois on une école publique et solennelle, qui ont ensuite examiné, en une considération minutieuse et prolongée, les résultats de leur labeur, ne parviennent pas, par suite de la mauvaise qualité de la traduction et des autres raisons que nous avons indiquées, à découvrir, par les méthodes d’Aristote et de ses commentateurs, ce qu’il y a de vrai en sa Philosophie. Aussi quelques-uns de ceux qui ont entendu exposer ces scieuccs, qui les ont enseignées et examinées, voyant que l’étude du texte d’Aristote et de ses commentateurs n’a pu leur faire connaître la Philosophie naturelle, se tournent-ils vers les sept autres Sciences naturelles et vers les Mathématiques ; ils s’adressent aux autres auteurs qui ont traité de Philosophie naturelle, aux livres de Pline, de Sénèque et de beaucoup d’autres ; c’est ainsi qu’ils sont parvenus à la connaissance des Sciences naturelles au sujet desquelles on ne peut se contenter de ce que dit Aristote, dans les livres qui ont été répandus parmi nous, ni de ce que dit son Commentateur. »

Les traductions défectueuses qui ont été données des traités du Stagirite ne sont pas seules incriminées par Bacon. Le caractère même de ces traités ne permet pas que l’on y puise une connaissance suflisante des Sciences naturelles : « Tout est généralité[2] en ce qu’Aristote expose dans ses livres de Science physique qui sont répandus parmi les Latins. Chacun sait qu’au livre des Physiques, il traite de ce qui est commun à toutes les choses de la nature, comme des principes, du mouvement, du lieu, du vide, du temps, et autres sujets semblables. De même, presque en tous les livres de la partie de sa Philosophie qui nous est counue, il traite de généralités, bien qu’il descende à des sujets plus spéciaux… Ainsi, au livre Du Ciel et du Monde, bien qu’il traite des parties du Ciel et du Monde, qui sont choses spéciales, il ne détermine cependant que des conclusions générales, telles que celles-ci : Le Monde est parfait, il est fini. … Mais il n’enseigne rien en particulier touchant les natures substantielles des cieux et des étoiles,

1. Liber primas communium naturalium Fhatris Rogeri. Partes prima et secunda. Edidit Robert Steele, Oxoniæ, s. d. ; Pars prima, Partes prima Dist. I, Cap. III, pp. I2-i3.

2. Rogeri Bacon Op. laud., Pars prima, Dist. I, cap. II ; éd. cit., pp. 3-5.

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