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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

tote ; et il a écrit sur les questions dont parlent les livres d’Aristote des choses cent mille fois meilleures que cc que l’on peut saisir en de mauvaises traductions de ce philosophe. Nous en avons pour témoins les traités que Monseigneur l’Évêque de Lincoln a composés sur l’arc-en-ciel, sur les comètes et sur d’autres sujets. »

Pour résister à l’emprise du Péripatétisme et du Néoplatonisme, l’ordre franciscain avait reçu d’Alexandre de Alès et de Robert Grosse-Teste deux puissances redoutables, le respect de la Théologie Augustinienne et le goût de la science expérimentale. Il semble que ces deux forces se soient comme incarnées l’une en Saint Bonaventure et l’autre en Roger Bacon.

Rien qui diffère plus du génie de Saint Thomas d’Aquin que le génie de Saint Bonaventure, son illustre émule. Les écrits de Saint Bonaventure gardent les manières de penser et de parler qui étaient d’usage en la Scolastique latine alors que la Physique et la Métaphysique grecques et musulmane ne lui avaient pas été révélées.

Rien ne saurait mieux caractériser les tendances de Saint Bonaventure que le dernier des écrits qu’il ait composés, que ces Collationes in Hexaëmeron sive illuminationes Ecclesiæ, interrompues en 1273,[1] lorsque l’auteur reçut la dignité cardinalice que la mort allait suivre de près.

Nous allons trouver la clé qui nous ouvrira la pensée de Saint Bonaventure en un passage sur les universaux[2] où les réminiscences d’Avicébron seront aussi aisées à reconnaître que l’opposition à l’encontre de Thomas d’Aquin.

« Au sujet de la division en universel et particulier, il est une grave erreur. Les uns disent que l’universel n’est rien hors de l’âme ; Platon a supposé qu’il n’existait qu’en Dieu, d’autres qu’il n’existe qu’en l’âme.

» Je dis donc qu’il y a l’universel qui est l’un tendant vers la multitude (unum ad multa), celui qui est l’un résidant en la multitude (unum in multis), celui qui est l’un résultant de la multitude (unum prêter multa). L’un qui tend vers la multitude, c’est celui qui existe, inachevé, dans la puissance de la matière. L’un qui réside en la multitude, c’est, par exemple, au sein des choses

1. S. Bonaventuræ Opéra omnia édita Studio et cura PP. Coliegiî a S. Bouaventura. Tomus V. Ad Glaras Aquas (Quaraccbi), 1891. Prolegomena, pp. XXXVI-XXXV1I.

2. Sancti Box aventura : Collationes in Hexaëmero/i, collatio IV, 9 ad u ; éd. cit., t. V, pp. 35o-35i.

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