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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

tions de la Philosophie augustinienne allaient être ses auxiliaires naturels et les promoteurs de son œuvre.

Or le respect des théories augustiniennes et la méfiance à l’égard des doctrines péripatéticiennes marquaient d’un caractère très nettement accusé les études franciscaines.

À leur début, les études franciscaines avaient été surtout orientées par deux influences, celle d’Alexandre de Aies ou, du moins, de la Somme mise sous le nom de cet auteur, et celle de Robert Grosse Teste, évêque de Lincoln.

La Somme d’Alexandre de Alès porte la trace des premiers contacts qui se soient établis entre la Philosophie des chrétiens d’occident et les Philosophies péripatéticiennes et néoplatoniciennes transmises par les Arabes ; mais celle-là n’y est point encore, nous l’avons vu, conquise par celles-ci ; elle demeure fidèle aux traditions augustiniennes ; parmi les influences nouvelles, la seule à laquelle elle fasse bon accueil, c’est celle d’Avicébron, parce qu’elle est tout imprégnée de pensées venues de la Scolastique latine ; c’est donc à cette ancienne Scolastique, c’est aux enseignements de Jean Scot Érigène que, par l’intermédiaire d’Avicébron, la Somme d’Alexandre de Aies rattachait la Scolastique franciscaine.

Sans être franciscain, Robert de Lincoln avait grandement contribué à promouvoir les études des Mineurs. Or, on peut penser qu’il n’a point cherché à réduire ces études au commentaire servile des écrits d’Aristote ; rien de plus réfractaire au Péripatétisme superstitieux d’un Averroès que le génie priinesautier de Grosse Teste, tel que Bacon nous le décrit[1] en un passage que nous avons déjà cité :

« Il eût mieux valu pour les Latins, j’en suis certain, que la sagesse d’Aristote n’eût point été traduite que de leur avoir été livrée sous une forme si obscure et si pervertie ; aussi se trouve-t-il des gens qui passent trente et quarante années à l’étudier, et plus ils la travaillent, moins ils la connaissent, comme j’ai pu l’éprouver de tous ceux qui se sont attachés aux livres d’Aristote. Aussi Monseigneur Robert, autrefois évêque de Lincoln, de sainte mémoire, a-t-il complètement délaissé les livres d’Aristote et les méthodes qu’ils tracent ; c’est à l’aide de son expérience personnelle, par la lecture des autres auteurs, par l’étude des autres sciences qu’il a traité les sujets qui relèvent de la sagesse d Ans- i.

1. Fh.vtris RooEfti Bacon Compendium studii, Cap. VIII (Faatris Rogeui Bacon Opéra (ftiælam /tactenus médita, éd. Brewer, Londres, i85g ; p. 469)’ DUHEM VJ-I-6

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