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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

un traité fort étudié[1] où se trouvaient condamnés à la fois le principe dont s’autorisait Jean de Montson et les propositions qu’il osait soutenir.

À l’assertion que la doctrine de Saint Thomas avait été approuvée par l’Église, la Faculté de Théologie répondait[2] que « l’approbation reçue par cette doctrine n’était pas d’une nature telle qu’elle pût entraver l’effet de la susdite condamnation ou du procès intenté par le dit évêque (Étienne Tempier) ».

La Faculté distinguait, en effet, trois sortes d’approbations[3].

« Par la première, l’Église déclare qu’une doctrine est utile, qu’elle est reçue comme probable en matière de foi, enfin qu’elle est répandue dans les écoles.

» Par la seconde, une doctrine est approuvée de telle manière que l’on soit tenu de la croire vraie en toutes scs parties.

» Par la troisième, elle est approuvée de telle sorte qu’il faille la croire exempte de toute erreur et de toute hérésie…

» Le premier mode d’approbation diffère beaucoup des deux autres ; car beaucoup de doctrines approuvées en cette première manière contiennent, non seulement des thèses fausses, mais encore des propositions erronées en matière de foi. »

Or, c’est seulement cette première sorte d’approbation que la Faculté de Théologie de Paris regarde comme acquise à la doctrine de Saint Thomas, tandis qu’elle lui dénie formellement les deux autres.

Les Dominicains prirent fait et cause pour Jean de Montson ; la doctrine de ce frère était celle de Saint Thomas d’Aquin, qu’ils identifiaient avec le dogme même de 1Église. Le Chapitre général, tenu à Rodez en 1388, fixait[4] les subsides que devaient fournir les diverses provinces de l’ordre pour soutenir la lutte « contre quelques hommes qui, à tort et injustement, nous l’affirmons, ont

1. Tractatus ex parte Universitatis stadii Parisiensis pro causa fidei contra quendam fratrem Ordinis Prædicatorum editus. De cet important écrit, Denifle et Châtelain (Op. laud., pièce no 1565, t. III, p. 505) ne donnent qu un résumé insignifiant. lia été publié in extenso par D A ru entré, Collectio judiciorurn, I2, pp. 75-129). 11 est reproduit plus ou moins complètement, à la fin de nombre d’éditions des Pétri Lombardi Libri IV Sententiarum. Certains passages essentiels, omis par les éditions des Sentences, ont été, d’après un manuscrit conservé au Collège de Navarre, publiés par Jean de Launoy (Jqannis Launoii De caria Aristotelis in Academta Parisiens i Jorluna Tertia edilio, Lutetiæ Parisiorum, ap* Edmuûdum Martin uni, MDLLXII. Cap. X, pu. 9^-96). Nous n’avons pu vérifier si ces passages sont reproduits par la Colleetio jitdiciorum d’Argentré.

2. Op. ZaatL, proœmium.

3. Op. faud.j circa lertium principale. …

4. Dbnifle et Châtelain, ÇAar/a/ariuni Z/nweraiiaiis Parisfensis, pièce no 1562 ; l. III, p. 500.

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