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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

fiées, qu’on les pût désormais soutenir à Paris sans encourir l’excommunication.

Les Dominicains eussent voulu davantage ; ils eussent voulu qu’on fût tenu, en toute question, de regarder comme véritable la solution proposée par le grand docteur que leur ordre avait donné à l’Ecole, Ils en faisaient, du moins, une obligation à tous leurs frères ; en juin 1346, le Chapitre général de l’ordre, tenu à Brive, portait le décret suivant[1] :

« Voici ce que nous imposons d’une manière stricte : Que nul, en une leçon, en une détermination ou en une réponse, n’ose soutenir avec assurance le contraire de ce qui est contenu en la doctrine commune, non plus que ce que l’on regarde communément comme ayant été à l’encontre de l’opinion de notre vénérable docteur Saint Thomas. Districte imponimus quod nullus legendo, determinando, respondendo audeat assert ite tenere contrario ejus quod in doctrina commuai continetur, et contra oppinionem doctoris nostri venerabilis S. Thomæ commander creditur extitisse. »

Entre les Dominicains et l’Université de Paris, la guerre était inévitable ; après bien des escarmouches, elle éclata en 1387 et, pendant quatre ans (1387-1391), se poursuivit avec une extrême violence[2].

L’occasion en fut donnée par un bachelier dominicain de la province d Aragon, Jean de Montson. Fidèle observateur du décret porté par le chapitre général de Brive. Jean de Montson avait enseigné à Paris diverses propositions conformes à la doctrine de Saint Thomas, mais contraires au sentiment de l’Université ; en particulier, selon la coutume alors répandue chez les Dominicains, il avait très vivement combattu la croyance en l’immaculée conception de la Vierge Marie, que Thomas d’Aquin repoussait, tandis que l’Université de Paris, très attachée à cette croyance, célébrait avec ferveur la fête de l’immaculée conception.

Jean de Montson lut sommé de rétracter quatorze propositions thomistes que l’Université jugeait erronées ou malsonnantes[3] ; il à son avis, en canonisant Thomas d’Aquin, avait implicitement approuvé ces propositions.

Tout aussitôt, l’affaire prit une grande ampleur ; elle fut portée devant le Pape ; en 1388, Pierre d’Ailly, docteur en théologie, évêque de Cambrai, ancien maître du Collège de Navarre, ancien chancelier de l’Université, remit au pape d’Avignon, Clément VII,

1. Denifle et Châtelain, O/j. taud., pièce n» 1127, L II, p. 591-5g2.

2. Denifle et Châtelain, faut/,, pièces qo 155 7-110 1583 ; t. II, pp. 486-533.

3. Denifle et Châtelain, O/a laud.t pièce no 155g, t. III, pp. 4gi-4g6<

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