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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

que trop verser en des erreurs. En ce temps donc, il fallut pencher davantage vers l’excès contraire. »

Un des auditeurs trouva, sans doute, que les propos de Godefroid de Fontaines étaient quelque peu libres et irrévérencieux à l’égard de l’évêque de Paris, car il posa aussitôt la question suivante : « Est-il permis à un docteur, surtoutà un docteur en Théologie, de refuser une question qu’on lui pose, si les conclusions que la vérité l’obligera à tirer de la discussion sont de nature à offenser des personnages riches ou puissants ? »

Fièrement, Godefroid répond que « distribuer ainsi la vérité par l’enseignement est un devoir de justice distributive… Peu de gens se rencontrent, d’ailleurs, qui soient capables de pécher en disant trop haut la vérité ; le plus grand nombre pèchent en la taisant ».

La résistance de l’ordre des Dominicains aux décrets d’Etienne Tempier parait avoir été beaucoup plus active et, surtout, beaucoup plus efficace que celle de quelques maîtres parisiens, isolés et contredits par nombre de leurs collègues.

Étienne Tempier se disposait à faire promulguer dans le diocèse de Paris les condamnations prononcées à Oxford « lorsque[1] les cardinaux qui gouvernaient l’Église pendant la vacance du Siège apostolique (20 mai-23 novembre 1277), lui envoyèrent l’ordre de surseoir absolument à cette affaire jusqu’à ce que la Cour romaine le chargeât de s’en occuper. C’était, en somme, désapprouver le zèle intempestif d’Etienne Tempier, et infirmer indirectement la valeur de sa condamnation et de celle de Robert Kilwardby.

» Il est de toute vraisemblance que les Dominicains n’étaient pas étrangers à l’acte de la Curie romaine. Ils avaient dû faire appel des condamnations arbitraires de l’Évêque de Paris et de l’Archevêque de Cantorbéry. Un membre de l’Ordre, Pierre de Conflans, archevêque de Corinthe, personnage influent, en résidence à la Cour romaine, paraît s’être spécialement entremis dans cette affaire. Nous savons que l’Évêque de Paris, peut-être sur ses observations, lui avait envoyé, dans la préoccupation de se justifier, la sentence de F Archevêque de Cantorbéry. Pierre de Conflans écrivit alors à son confrère, Robert Kilwardby, pour s’étonner de la prohibition de propositions qu’il jugeait bien fondées. Guillaume d’Ockam, qui semble avoir connu cette lettre, nous laisse entendre qu’elle aurait été assez dure. iNous possédons le mémoire justificatif adressé par Robert Kilwardby à Pierre de i,

1. P. Mandonnet, Op. laud., Première partie, pp, â34-ï38.

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