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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

torité de la Sainte Écriture, si quelque raison véridique, montre, avec une évidente certitude, qu’il la faut soutenir, alors la sentence et la prohibition de l’évêque sont absolument erronées et ne lient personne… En ce cas, le docteur doit parler selon son sentiment, au risque de scandaliser certaines gens par son apparente désobéissance. »

Insister auprès de l’évêque pour qu’il rapporte une condamnation qu’on juge mal fondée, c’est un devoir, au gré de Gadefroid ; nous allons voir qu’il n’y manqua pas.

Après la mort d’Étienne Tempier, après celle de Ranulphc sur le siège épiscopal de Paris, qu’il occupa de 1292 à 130i. Or, en une discussion quodlibétique tenue sous son pontificat, Godefroid se fait poser la question suivante[1] : « Est-ce que l’évêque de Paris commet un péché parce qu’il omet de corriger certains articles condamnés par son prédécesseur ? » Voici la réponse qu’il fait à cette question :

« Monseigneur l’évêque de Paris est un homme d’une éminente érudition en droit canonique et en droit civil ; il a acquis également une érudition suffisante en la Faculté de Théologie ; toutefois, il n’a pas tellement étudie en cette dernière qu’il puisse, pour la correction des dits articles, se passer du conseil des maîtres ; ceux-ci, d’ailleurs, n’étant point en parfait accord au sujet des dits articles, Monseigneur l’Évêque peut être excusé d’une certaine manière de ne les avoir pas corrigés. Toutefois, il pourrait, aisément et sans aucun inconvénient, rapporter la sentence dont son prédécesseur a frappé ces articles, ce qui rendrait la paix à beaucoup de gens et leur serait utile, en sorte que je ne vois rien qui le puisse suffisamment excuser de ne pas le faire ; toutefois, je n’oserais le condamner sur aucun des deux chefs…

« Bien que ces articles aient été édictés par des gens fort savants, il semble néanmoins qu’il les faille maintenant corriger. Ceux qui les ont édictés peuvent être raisonnablement excusés, bien que leur œuvre appelle maintenant Incorrection ; en effet, à l’époque où ces articles furent édictés, plusieurs maîtres-ès-arts, et non des moindres, s’étendaient à l’excès et sans que la raison les réfrénât au sujet des matières de ces articles ; leur langage ne semblait

1. Godeekidi de Eoxrmus Quodlibela ; quodlib, X[I®, quæst. IV a : Bibl. nat., fonds latin, ms. n » 15842, fol. 276, col. d, à fol. 277. col. c. — Les renseignements qui suivent sont tirés de Maurice De Wuiæ, Histoire delà Philosophie en Belgique, pp. 8g-g4-

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