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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

La conduite prudente qu’il avait tenue et conseillée dans un cas particulier, Godefroid de Fontaines trouva bientôt occasion de l’ériger en principe. Dans son septième quolibet, en effet, il examine la question suivante[1] : « Un maître en théologie doit-il contredire à un article de l’évêque s’il croit que l’avis opposé est véritable ? »

Pour résoudre ce cas embarrassant, Godefroid part de ce principe : « Jamais on ne doit enseigner une erreur ; toutefois, la vérité ne doit pas toujours être enseignée, mais elle doit être enseignée en tenant compte du lieu, du temps et des circonstances. »

Notre docteur partage alors les vérités en deux catégories ; d’une part, il met les vérités qui sont nécessaires pour le salut ; d’autre part, il place celles qui sont indifférentes au salut, en sorte qu on ne va pas à 1’encontre de la foi ou des bonnes mœurs, soit qu’on les affirme, soit qu’on les nie ; c’est de ces dernières qu’il parle tout d’abord.

Un maître, touchant une de ces propositions, se croit assuré que l’opinion véritable est celle que l’évêque a, sous peine d excommunication, défendu de soutenir ; ce maître n’affirmera ni le pour ni le contre, afin de ne contrevenir ni à ce qu’il tient pour la vérité ni à l’obéissance qu’il doit au prélat.

Si toutefois les raisons et les autorités rendent fort probable l’erreur de l’évêque, tout eu se gardant d’enseigner ce qu’il a censuré, « on devrait insister auprès de ce prélat, afin qu’il révoquât la condamnation et l’excommunication qu’il a portées. En effet, bien qu’il n’en résulte aucun mal qui aille à l’encontre du salut, il en résulte un mal contraire à la perfection de l’intelligence ; les hommes, en effet, ne peuvent plus traiter librement certaines vérités qui ne serviraient point médiocrement au perfectionnement de leur intelligence ». En outre, les infidèles et même beaucoup de fidèles se scandaliseraient de l’ignorance et de la simplicité de ces prélats qui prennent pour erroné et contraire à la foi ce qui ne répugne aucunement à la foi ni aux bonnes mœurs ».

« Dans le cas, enfin, où la proposition que le Docteur croit posséder est de celles qui touchent au salut, ou bien encore si l’au-

1. Magistri Gûdefridi de Fontibus Qaadlibcta ; quodlib. VU, <]uæst. XVIII : Utrum magister in theoloçia debetdicere contra articulum episcopi si credal opposilurn esse verum [Les Quodlibef etnq, siæ et sept de Godefroid de Font aines, publiés par M. De Wulf et J, FJofmans (A es Philosophes Belges, t. III ; Louvain, pp. 4&2-4o5,J

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