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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

pour le grand théologien qui s’était formé dans son sein. C’est assez dire que les décrets portés par Étienne Tempier et par Robert Kihvardbv ne pouvaient être acceptés sans soulever de très vives protestations tant parmi les maîtres de l’Université de Paris que parmi les Dominicains.

L’un des maîtres parisiens qui se montrèrent les plus rebelles aux condamnations de Paris et d’Oxford fut l’Augustin Gilles Colonna, surnommé Gilles de Rome[1]. Très fidèle disciple de Saint Thomas en la plupart des questions controversées, Gilles de Rome ne voulut pas accepter que l’Évêque de Paris ou l’Archevêque de Cantorbéry traitassent d’erreurs les enseignements de son maître. Nous l’avons entendu, déjà, déclarer que plusieurs articles du décret porté par Étienne Tempier n avaient nullement bénéficié de l’assentiment unanime des théologiens et que, seule, l’opiniâtreté de quelques maîtres avait pu les faire passer. Il ne tarda pas à manifester de la manière la plus nette le peu de cas qu’il faisait des prohibitions de Robert Kilwardby.

Gilles tenait pour la thèse de l’unité des formes substantielles en 1 individu, thèse qui allait être l’un des principaux sujets de dispute entre les Thomistes et leurs adversaires. Avant 1277, il avait plusieurs Ibis soutenu cette thèse en des discussions orales. Après qu’elle eût été condamnée à Oxford, il résolut de la défendre par écrit[2] ; il composa à cette occasion son petit traité De gradibus formarum[3]. En cet opuscule, il ne se bornait pas à prétendre que la thèse de la forme substantielle unique était démontrable en Philosophie et compatible avec la Foi catholique ; passant de la défensive à l’offensive, il accusait la thèse contraire d’être philosophiquement insoutenable et théologiquement suspecte.

C’était aller bien loin ; le dominicain Gilles de Lessines qui, au mois de juillet 1278, publiait[4], lui aussi, en vue de défendre la

1. P. Mandonnet, O. P. La carrière scolaire de (rilies de Home (1276-1291) (flepuedes Stoezïee* PhilosopAigues et ELèologir/ues, t* IV, 1910 ; pp. 48i-4gg).

2. P. Mandonnet, Op. laud., Première partie, pp* 249-251*

3. Egidji Romani /iôros de pbgsico audilu Aristotelis commentaria accuratissùne emendata : et in marginibus ornala guolalionibus teMuum et commentoruni, Ac aliis qaamplurimis annotaiionibus, Cum tabula questionum in fne. Ejusdern queslio de gradibus formaram, Ciun privilegio, EoL iûû, col* a : /ncipiZ traclalus domini Egidii ro/nunz de gradibus formantm. Colophon : Preclarisstmi sunnnîque philosûphi Egidii Romani De gradibus for ma ru m tracta lu s Ve net iis impressus manda to et ex peu sis Heredum N obi lis virî domini Octaviani Scoti civis Modoetiensis. per Bonetam Locatellum presbyterum. 12o Kal. Octobr. 1502.

4. P. Mandonnet, Op. laud., Première partie, p* 236, note 4* — Le traité de Gilles de Lessiues a été publié par M* De Wulf : Le traitée de unitateformat *

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