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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

ciel existe et qu’il ne se meut pas, c’est admettre des affirmations contradictoires.

Ces diverses condamnations atteignaient des doctrines bien formelles et bien essentielles de l’Aristotélisme et de l’Averroïsme, celles par lesquelles l’Astrologie pouvait se réclamer de ces philosophies. Deux autres condamnations frappaient en plein cœur la Physique péripatéticienne ; elles brisaient les thèses qui servaient pour ainsi dire de fondement atout l’édifice ; elles excommuniaient, en effet, quiconque soutiendrait ces deux propositions ;

49 [66]. Dieu ne pourrait donner au ciel un mouvement de translation pour cette raison que le ciel, mû de la sorte, laisserait le vide derrière lui.

34 [27]. La Cause première ne pourrait créer plusieurs mondes.

Étienne Tempier et son conseil, en frappant ces propositions d’anathème, déclaraient que pour être soumis à l’enseignement de l’Église, pour ne pas imposer d’entraves à la toute puissance de Dieu, il fallait rejeter la Physique péripatéticienne. Par là, ils réclamaient implicitement la création d’une Physique nouvelle que la raison des chrétiens pût accepter. Cette Physique nouvelle, nous verrons que l’Université de Paris, au xive siècle, s’est efforcée de la construire et qu’en cette tentative, elle a posé les fondements de la Science moderne ; celle-ci naquit, peut-on dire, le 7 mars 1277, du decret porté par Monseigneur Étienne, Évêque de Paris ; l’un des principaux objets du présent ouvrage sera de justifier cette assertion.

VI

Les condamnations de Paris et d’Oxford ET LES DOCTRINES DE SAINT THOMAS D’AQUIN

Nous ne détaillerons pas les nombreuses condamnations qui ont frappé les erreurs relatives à l’âme humaine. Une dernière remarque nous retiendra seule. Le Péripatétisme d’Aristote et d’Averroès, le Néoplatonisme d’Avicenne et d’Al-Gazâli n’ont pas porté tout le poids du sévère décret rendu par l’Évêque de Paris. Les doctrines de Thomas d’Aquin se trouvaient fréquemment visées par ce décret. « Une vingtaine de propositions[1], parmi les

  1. P. Mandonnet, Op. laud., Première partie, pp. 231-232.