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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

À cela Saint Thomas répond : « La vertu du feu est toujours déterminée à échauffer, si l’on présuppose toutefois les causes premières qui sont requises pour l’action du feu. » Ainsi le feu ne peut échauffer si le mouvement du ciel ne lui eu confère le pouvoir. Que le ciel s’arrête, et le feu n’échauffera plus.

Les principes qui suggéraient à Thomas d’Aquin les réponses que nous venons de rapporter étaient également ceux qui avaient conduit à formuler les propositions suivantes, qu’Étienne Tempier condamnait :

186 [77]. Le ciel ne s’arrête jamais, car la génération des êtres inférieurs, qui est le but du mouvement du ciel, ne doit pas cesser. En outre, le ciel tient son existence et sa vertu de son Moteur ; c’est par le mouvement que cette vertu conserve le ciel, en sorte que si le ciel interrompait son mouvement, il cesserait d’exister.

136 [79]. Si le ciel s’arrêtait, le feu serait sans action sur l’étoupe, car Dieu[1] n’existerait pas.

C’était une doctrine bien péripatéticienne, encore qu elle nous semble aujourd hui fort étrange, que celle-ci : Si le ciel s’arrêtait, tout mouvement cesserait en la région élémentaire. A ceux qui la soutenaient, les chrétiens, suivant la tradition de Saint Augustin, répondaient sans doute en invoquant l’autorité de sur l’ordre de Josué, les hommes ne continuaient*ils pas à se mouvoir et à combattre ? Nous n’avons rencontré cette réponse en aucun écrit du xmB siècle, mais nous la trouvons dans les Questions sur la Physique composées, vers 1330, par Jean le Chanoine « En l’histoire de Josué, y est-il dit[2], on a clairement et à la lettre la preuve que la roue du potier peut continuer à tourner alors même que le mouvement du ciel est arrêté. »

À cette réponse, les Péripatéticiens ripostaient sans doute par cette proposition, qui fut condamnée :

190 [192]. Lorsque les théologiens prétendent que le ciel s’est parfois arrêté, ils arguent d’une supposition fausse. Dire que le

1. Au lieu de : L)eus, nous croyons qu’il faudrait lire : tempits. Si le ciel s’arrêtait, le temps, qui est la mesure du mouvement du ciel n’existerait plus et dès tors, aucun mouvement ne serait possible ; tel était le raisonnement péripatéticien. En condamnant celle erreur, les théologiens de Paris prennent la suite de Saint Augustin dans ses Confessions.

2. Joannis Canonici questiones super VIII lib. phy. Aristo. perutiles : nuperrime correcte et emendate : additis textibus Commentorum in margine : una cum utili Répertorio cunctorum auctoris notabilium indice. Colophon :… Venetiis mandata herednm q. domini Octaviani Scoti civis ac patricij Modoetiensis : et sociorum. Anno a dominica incarnatione 1520. die 8 Maij. Lib. IV, quæst. V ; fol. 44, col. a.

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