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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

son marteau afin d’accomplir quelque œuvre d’une manière naturelle ? »

« La vérité de cette proposition, répond le Doctor communis, n’est pas suffisamment explicitée.

» Il est manifeste, en elfet, que l’existence de tous les corps mixtes est conservée par le mouvement des corps célestes : cela se voit par le fait qu’ils sont engendrés ou détruits suivant une certaine période du mouvement céleste, et semblablement selon que certains corps célestes s’approchent ou s’éloignent. Il est donc vrai que si le mouvement du ciel s’arrêtait, les corps de tous les forgerons et les corps de tous les marteaux cesseraient d exister.

» Toutefois, si par un pouvoir surnaturel, forgerons et marteaux étaient maintenus, nous devrions dire que les corps des forgerons ont, à l’égard de leurs âmes, même disposition que maintenant. Peut-être dirait-on : L’air ne serait plus divisible, car une fois le ciel arrêté, il ne serait plus susceptible de corruption. Cela ne serait pas une objection ; car, (ors même que cela serait, il ne perdrait pas sa nature, et, selon cette nature, il est facilement divisible en raison de son humidité et de sa subtilité ; ainsi pourra-t-il continuer d’être un instrument pour chanter les louanges de Dieu, » même lorsque le mouvement du ciel aura pris lin. Mais tout cela, Saint Thomas ne le tient comme possible qu’en recourant au pouvoir surnaturel de Dieu ; naturellement, selon lui, les choses se doivent passer comme l’admet Robert l’Anglais.

Plus explicitement encore Saint Thomas d’Aquin soutient la même doctrine dans une de ses Questions disputées. « Le mouvement du ciel prenant fin, se demande-t-il[1], quelque action ou quelque passion demeurerait-elle au sein des éléments ? »

Le Docteur communis commence par rappeler l’enseignement du Livre des causes : « Lorsque d’un certain effet, la cause première retire son action, il faut aussi que, du même effet, la cause seconde retire son action, car ce par quoi la cause seconde agit, elle le tient de l’action de la cause première en vertu de laquelle elle agit. »

« Mais, ajoute-t-il, tout agent agit en tant qu’il est lui-même en acte ; on doit donc prendre pour ordre selon lequel se hiérarchisent les causes actives, l’ordre même de leur actualité. Or les corps inférieurs ont. moins d actualité que les corps célestes,… tandis que les substances séparées sont, par leur actualité, plus

1. SanctiThomæ Aquinatis Quæstiones disputât te de patent ia Dei. Quæst. A. De conservatione rerum Ïd esse a Deo ; art. Vlll : Utruni cessante motu cæli remaneat aclio et passio in elemenlis.

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