Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
711
L’ÉCLECTISME PARISIEN

qu’il y ait déduction (consequentia) d’une proposition à une autre proposition ou à plusieurs autres propositions ; cela peut avoir lieu de quatre manières.

» Cela peut avoir lieu, tout d’abord, d’une manière objective (objective). 11 y a, en effet, dans le sens extérieur, certaines connaissances qui jouent le rôle d’objets à l’égard de la connaissance du sens commun ; et de même, la connaissance sensible se comporte à la façon d’un objet à l’égard de la connaissance intellectuelle.

» Secondement, cela se produit, comme dit Avicenne, d’une manière évocatrice (elicitive) ; d’une perception sensible de couleur, de figure ou de mouvement, le jugement (Virtus æstimativa) évoque une intention non sensible, celle d’amitié ou d’inimitié, par exemple ; ainsi, à la vue du loup, la brebis est saisie de crainte, elle s’enfuit et suit le berger. Cela n’a rien d étonnant ; l’âme est, en effet, une puissance plus noble que le feu ; or le feu, en engendrant la chaleur, peut, par l’intermédiaire de la chaleur qu’il a engendrée, produire ensuite la légèreté et la rareté ; il est donc raisonnable que l’âme puisse, au moyen d’une notion, en engendrer ensuite une autre qui soi ! la suite naturelle de la première.

» D’une troisième façon, cela se fait par abstraction (abstractive). J’ai, tout d’abord, un concept qui représente, tout ensemble et sans les distinguer, une substance et un accident ; lorsque, par exemple, je perçois du blanc, je ne perçois pas la seule blancheur, mais une chose blanche ; puis ensuite, je perçois que cette chose change et passe du blanc au noir ; par là, je juge que cette chose est différente de la blancheur ; alors, l’intelligence a naturellement le pouvoir de départager cette confusion [de la première perception] et de concevoir la substance, abstraction faite de l’accident, ainsi que l’accident, abstraction faite de la substance ; de l’un comme de l’autre, elle peut former un concept simple. C’est aussi de la sorte que le concept universel se forme, par abstraction, à partir du concept singulier, comme on le verra an troisième livre De l’âme et au septième de la Métaphysique.

» Enfin, d’une quatrième manière, an moyen de doux concepts simples, l’intelligence peut tirer un troisième concept simple, en formant une proposition. Si l’intelligence, en effet, possède les deux concepts simples A et B, elle est libre de former cette proposition : A est B, ou celle-ci : A n’est pas B. Une telle proposition n’est pas exclusivement composée des concepts A et B ; il s’y ajoute quelque chose qui est signifié par la copule affirmative ou