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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

tout le monde regarde ces sciences comme des sciences qui ne sont ni purement physiques, ni purement mathématiques mais qui, d’une certaine façon, sont intermédiaires entre les unes et les autres ; on ne doit point, en effet, les appeler purement mathématiques, car c’est au mouvement qu’elles appliquent des termes purement mathématiques ; on ne doit pas, non plus, les appeler purement physiques, car elles tirent leurs démonstrations de conclusions et de principes qui appartiennent aux pures Mathématiques, bien qu’elles appliquent ces principes et ces conclusions à des termes physiques.

» Mais alors il y a doute entre les docteurs pour savoir si on les doit appeler sciences plus physiques que mathématiques ou plus mathématiques que physiques. Sur ce point, Saint Thomas et le Commentateur se prononcent en sens contraires….

» À ce sujet, on peut dire que, dans le cas dont il s’agit, la dénomination attribuée à la science tient davantage aux principes dont les démonstrations sont tirées et dont elles reçoivent leur force que des espèces auxquelles appartiennent leurs termes. Or il est certain qu’en ces sciences, pour prouver certaines conclusions, on procède souvent à partir de principes et de conclusions qui appartiennent à la Physique ou qui sont tirés de la Physique ; par là, ces sciences seraient plutôt physiques ; mais souvent aussi, afin de prouver d’autres conclusions, on use de principes dont l’origine et la force se tirent des Mathématiques pures ; par là, ces sciences sont plutôt mathématiques. Ainsi l’Astronomie qui traite des mouvements des astres est, la plupart du temps, plutôt mathématique ; au contraire, la plus grande partie de l’Astrologie judiciaire est physique. »

Cette discussion donne, croyons-nous, une idée fort exacte de l’esprit de Buridan ; esprit, juste et précis qui sait fort bien, en une question douteuse, peser le pour et le contre ; mais aussi esprit équilibré qui se résout à demeurer en balance lorsque aucune des deux opinions examinées ne lui parait avoir assez de poids pour l’emporter.


B. — La dépendance des diverses sciences
à l’égard de la Métaphysique
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Assigner à chaque science le sujet qui lui est propre, c’est distinguer exactement les diverses sciences les unes des autres ; Buridan s’est attaché à marquer la distinction de la Physique et de la Mathématique ; il l’a fait suivant la tradition péripatéticienne la plus pure.