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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

considère en cette science, et parce que toutes les autres choses que l’on y considère, en vertu des rapports sous lesquels on les considère, se trouvent attribuées à cette première chose. Cette chose-là, quelle qu’elle soit, nous l’appellerons le sujet qui doit être proprement assigne à cette science.

» De là se tire notre seconde conclusion principale : A la totalité de la Physique, bien plus, à toute science prise en sa totalité, il faut assigner un sujet propre…

» Ce sujet est ainsi appelé parce que, sans être transcendant aux bornes de la science dont il s’agit, il est le genre le plus commun entre tout ce qui est considéré en cette science ; en ce qu’il joue le rôle de sujet à l’égard des principes et des plus communes passions de cette science ; en ce que rien n’est considéré en cette science, si ce n’est comme ayant attribution à ce peut être dite une, bien qu elle soit la réunion d’une foule de choses, et de choses fort diverses. De même, à cause de l’unité du chef, une foule d’objets, et d’objets fort divers, comme des soldats, des serviteurs, des chevaux, des équipages, des chariots peuvent être appelés une armée, parce que tous ces objets ont attribution à un chef-unique.

» C’est de cette manière qu’une certaine chose est appelée le sujet propre et adéquat d’une science ; non pas que cette chose soit expressément contenue en toutes les conclusions de cette science ; mais parce qu’en chaque conclusion, il y a quelque chose qui est considéré sous le rapport par lequel elle a attribution à ce sujet, soit que cette chose fasse partie de ce sujet, ou qu’elle en soit une passion, ou quelle soit le principe d’une semblable passion, ou qu elle ait, à l’égard de ce sujet, quelqu’une des multiples autres attributions |que l’on peut imaginer.] »

La critique de Guillaume d’Ockam avait pulvérisé chaque science au point de la réduire à un ramas de conclusions isolées les unes des autres. Jean Buridan s’est efforcé de mettre à l’abri de cette critique la thèse traditionnelle qui assure l’unité de chaque science en rattachant, directement ou indirectement, à un sujet unique, toutes les conclusions que formule cette science. Après lui, cette thèse ne trouvera plus que des partisans en la Scolastique parisienne.

Suivant l’usage établi, l être mobile est le sujet propre qu’il assigne[1] à la Science physique.

  1. Johannis Buridani Op. laud., lib. I, quæst. III : Utrum ens mobile sit subjectum totius scientiæ naturalis vel quid aliud.