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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

rer immobile ; elle ne va pas demeurer immobile ; si elle s’arrêtait, en effet, il serait prouvé qu’un grave non empêché demeure en l’air sans se mouvoir, ce qui est impossible ; c’est, en effet, la forme du grave qui meut le grave, comme le veulent Aristote et son Commentateur ; puis donc que ce grave possède la forme qui lui appartient et un milieu au travers duquel le mouvement se peut faire, il est évident que ce grave n’est pas empêché. » Cette raison et diverses autres conduiraient à admettre que les êtres sublunaires peuvent continuer à se mouvoir, lors même que le ciel serait arrêté.

« Cependant, » répond Robert, « Aristote soutient le contraire au livre des Météores et en plusieurs autres lieux ; il prétend que le mouvement du ciel est la cause de tout mouvement.

» Je réponds donc à la question posée que si le ciel 11e se mouvait point, rien d’autre ne pourrait se mouvoir, puisque le mouvement du ciel est la cause de quelque mouvement que ce soit.

» Au premier et au second argument on doit répliquer que supposer l’immobilité du ciel, c’est priver le ciel de la forme qui lui appartient, comme le prétend Averroès au livre De substantia orbis. C’est donc admettre l’impossible ; il n’est donc pas étonnant qu’il en résulte des conséquences impossibles...

» Au second argument, on doit répondre que, cette hypothèse faite, le grave serait empêché de tomber, car au moment même où le ciel cesserait de se mouvoir, le milieu serait subitement solidifié (............. medio subito condensato, cessante celo motum). »

Ce que Robert l’Anglais enseignait en ce passage, bien d’autres l’enseignaient, parmi les docteurs de son temps ; les astrologues, en particulier, donnaient fort dans cette doctrine ; en 1290, Barthelemi de Parme écrivait[1] :

« Parce que la sphère céleste entoure le globe terrestre et les autres éléments, ... elle est de grande utilité pour le monde inférieur et, selon la volonté divine, elle conserve chaque chose dans son être. Si cette sphère ne se mouvait point comme elle se meut, rien de ce qui se meut à l’intérieur de cette sphère ne serait en mouvement ; ni l’homme ni les bêtes ne pourraient se mouvoir, ni l’oiseau dans l’air, ni le poisson dans l’eau ; la mer ne se pourrait mouvoir, ni l’eau douce couler, ni les fontaines sourdre, ni le vent souffler par le monde. »

1. Bartholomæi I’aumkssis Tractatus Sphæræ, pars 1 (/iuttetino <li BiMtograjla e di Storia dette Scieme inutematiche e Jisiche pubblicalu da B. Boncoinpagui, t. XVII, 1884, p. 471-

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