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L’ÉCLECTISME PARISIEN

raison, ils ne seraient pas un tas de cailloux mais simplement des cailloux.

« Je pose quelques conclusions, écrit Buridan[1], et voici la première :

» En toute science totale, formée par la réunion d’un grand nombre de conclusions et de recherches, il faut assigner quelque chose d’un dont l’unité permette de dire que la science est une. Il faut, par exemple, assigner quelque chose d’un dont l’unité permette de dire que la Physique est une science une, distincte de la Métaphysique et de la Mathématique ; et une autre chose une dont l’unité permette de dire que la Métaphysique est une science une, distincte de la Physique et des Mathématiques ; et ainsi des autres sciences.

» Cette conclusion est évidente. Jamais, en effet, des objets multiples, dont chacun a son unité, ne seront appelés quelque chose d actuellement un, si ce n’est par suite de la réunion de tous ces objets en un même lieu ou en un même sujet. Cela est clair. Un grand nombre de pierres sont appelées un tas, un grand nombre d hommes sont appelés un peuple à cause d’une certaine continuité [qui existe entre ces pierres] ou d’un certain lien [qui est établi entre ces hommes]… Or, en la science physique, il y a des conclusions nombreuses et variées… ; il est donc nécessaire d’assigner la cause, la raison pour laquelle la Physique est appelée une science une.

» Il nous faut maintenant enquérir de la cause de cette unité.

» Et d’abord, il est manifeste que cette unité ne provient pas de ce que les conclusions dont il s’agit sont continues entre elles ou réunies ensemble ; en effet, cela n’a lieu de la sorte que pour les corps. Elle ne provient pas davantage de ce que ces conclusions se trouvent rassemblées dans le même sujet, je veux dire dans la même intelligence ; la Physique ne serait point, de la sorte, distincte de la Métaphysique ou des Mathématiques. Nécessairement donc, il nous faut dire que toute science totale est appelée une à cause de l’unité d’une certaine chose que l’on

1. Acutissimi philosopha reverendi Magistri Johasnis buridani sabtilissime questiones saper octo phisicortim — libros Aristolelis diligenter recognite et revise A magistro Johanne dullaert de gandavo antea nusquam impresse. Venum exponuntur in edibus dionisii roce purisius in vico divi Jacobi sub divi martini intersignio. Colophon ; Hic finem accipiunt questiones reverendi magistri Johatuiis buridani super octo phisicorum libros impresse parrhisii » opéra ac industrie Magislri Pétri ledru Itupensis vero honesli bibliopole Dionisii roce subdivo martino in via ad divurn Jacobum Anne millesimo quingeotesinio nono octavo calepdas novembres. — Lib. I, quæst. II ; Utrum totalis scientiæ uaturalis debeat assignari unum subjectum proprium. Foll. III, coll. b, c et d.

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