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L’ÉCLECTISME PARISIEN

formulés, des expositions présentées par les docteurs ; ce sont la cependant, les sources de la Théologie véritable, à laquelle il ne faut pas attribuer tout ce qui peut être connu des hommes… Les théologiens s’embarrassent en des questions philosophiques et d’autres disputes curieuses, dans des opinions suspectes, dans des doctrines étranges et variées. » Contre ces fâcheuses tendances, le pape s’élevait avec vivacité ; il reprochait aux maîtres en Théologie « de délaisser le nécessaire pour s’évertuer à dire et enseigner le superflu » ; il suppliait l’Université « d’oublier, de rejeter totalement ces doctrines, opinions et sophistications étranges, diverses, inutiles et, qui plus est, nuisibles et périlleuses. »

Il est bien rare que l’engouement le moins sensé n’ait quelque raison d’être ; il est bien rare aussi qu’en réfrénant l’engouement on n’opprime en quelque mesure le désir légitime dont il est l’excès.

Si les théologiens se précipitaient avec une folle ardeur dans les voies nouvelles que le Scotisme et l’Occamisme avaient ouvertes vers les études profanes, c’est que ces voies, inconnues au Péripatétisme, promettaient une riche moisson de découvertes ; en fait, elles devaient conduire à la science dont s’enorgueillissent les temps modernes. Les mêmes aspirations qui les détournaient, en Théologie, de la Bible et des Pères, les pressaient, en Physique, de secouer le joug d’Aristote ; et si, là, elles étaient pernicieuses, elles se montraient, ici, singulièrement légitimes et fécondes.

Clément VI ne lit pas cette distinction ; dans l’esprit nouveau qui animait F Université de Paris, tout lui parut mauvais ; en lui reprochant avec raison de faire fi, en Théologie, de l’enseignement traditionnel, il le reprit à tort de rompre, dans le domaine des sciences profanes, avec la routine.

« Certains maîtres et écoliers en Arts et en Philosophie, écrivit-il, qui, à Paris, consacrent leurs sueurs à l’étude des Sciences, délaissent et méprisent les textes du Philosophe, des autres Maîtres, de leurs antiques commentateurs ; ces textes, ils les devraient suivre pourvu qu’ils ne soient pas en opposition avec la foi catholique (quos sequi deberent in quantum fidei catholicæ non obviant) ; or ils délaissent les expositions et les écrits véridiques sur lesquels s’appuie la science pour se tourner vers d’autres doctrines sophistiques, variées et étrangères, qui sont enseignées, dit-on, dans certaines autres Universités (ad alias varias et extraneas doctrinas sophisticas, quæ in quibusdam aliis doceri dicuntur studiis) ; ils se portent vers des opinions qui sont pures apparences sans existence, qui sont inutiles, dont on ne recueille aucun fruit.