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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

pourraient, dans l’avenir, provenir d’intolérables erreurs, non seulement au sujet de la Philosophie, mais encore au sujet de la Sainte Ecriture. Dans le désir de porter remède à cette maladie qui se propage comme la peste, nous avons réuni, autant que nous l’avons pu faire, les principes funestes et les erreurs de ces personnes, et voici de quelle façon nous avons statué touchant ces principes et ces erreurs.

» Qu’aucun maître, bachelier ou écolier, dans une leçon donnée à la Faculté des Arts de Paris n’ait l’audace de prendre quelque proposition fameuse de l’auteur ou du livre qui fait le sujet de la leçon, et de la déclarer purement et simplement fausse, ou bien encore fausse au pied de la lettre (de virtute sermonis), s’il croit d’ailleurs que l’auteur, en formulant cette proposition, avait une pensée véritable. Dans un tel cas, qu’ils admettent cette proposition, ou bien encore qu’ils y distinguent le sens vrai du sens faux. Semblable raison conduirait, en effet, en toute rigueur (absoluto sermon), à nier les propositions de la Bible, ce qui serait dangereux, Le discours, d’ailleurs, tient tout son pouvoir de la signification que lui impose l’usage des auteurs et des autres hommes ; la portée d’un discours résulte donc du commun usage des auteurs ; elle est ce qu’exige la matière, car ces discours doivent être entendus en fonction (penes) de la matière qui en fait le sujet. »

Le décret s’élevait contre les fâcheuses habitudes introduites par les Occamistcs dans les discussions d’école. Ils se plaisaient à déclarer telle proposition absolument fausse, fausse au pied de la lettre, parce qu’elle le devenait lorsqu’ils en prenaient les termes dans un certain sens à eux personnel ; ils ne s’enquéraient pas si les auteurs, attribuant aux termes une autre signification, n’avaient pas, en effet, formulé une vérité. Ils se refusaient à distinguer deux sens possibles d’un infinie terme ; il arrivait alors que deux conlramême mot qui était censé n’en comporter qu’une, se livraient à une dispute sans issue.

« N’allez pas dire : Aucune proposition ne doit être admise si elle n’est pas vraie au sens propre ; cela conduit aux susdites erreurs, car la Bible et les auteurs n’usent pas toujours du sens propre des mots. Pour affirmer ou pour nier un discours, il faut plutôt faire attention à la matière qui en est le sujet qu’au sens propre de ce discours ; car une discussion qui tient compte uniquement du sens propre des mots, qui ne veut recevoir aucune proposition si ce n’est dans son sens propre, n’est rien que sophistique dispute. Les discussions dialectiques et doctrinales qui tendent