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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

serait aussi, car c’est en vue de son mouvement que le ciel existe ; avec le mouvement du ciel prendrait fin le mouvement des êtres sublunaires et, partant, le Monde lui-même. Il est démontré par là que celui qui donne la perpétuité au mouvement [du ciel] est aussi celui qui donne la perpétuité à tous les autres êtres. »

La doctrine contenue en ce passage avait trouvé des partisans parmi les maîtres de la Scolastique latine. En 1270, en ses Gloses sur la Sphère de Jean de Sacro-Bosco, Robert l’Anglais, grand liseur du Sermo de substantia orbis, écrit[1] :

« Il y a, au mouvement continuel du ciel, une quadruple raison.

» La première de ces raisons est qu’il tend à s’assimiler au Créateur ; il se meut donc sans cesse afin d’acquérir ce qu’il désire ; et comme cette acquisition ne sera jamais totale, son mouvement ne cessera jamais.

» La seconde raison est la continuation de la chaleur dans les êtres d’ici-bas ; en effet, la chaleur naturelle qui est le principe de la vie ne pourrait se maintenir sans le remède salutaire de la chaleur céleste ; et comme cette chaleur s’acquiert par le mouvement, le ciel se meut sans cesse.

» La troisième raison est le mouvement des êtres sublunaires, car, sans le mouvement du ciel, rien ici-bas ne pourrait se mouvoir.

» La quatrième raison est l’influx des vertus stellaires dans les diverses régions de la terre ; en effet, si le ciel demeurait immobile, l’étoile qui existe en telle partie du ciel ne répandrait sa vertu qu’en une seule région de la terre ; des lors, les effets <jui se produisent en une région de la terre ne se produiraient pas en une autre région, ce (fui est fort absurde. »

Comme conséquence de cette doctrine, Robert l’Anglais pose cette question[2] :

« On demande maintenant s’il pourrait y avoir mouvement pour les choses d’ici-bas alors que le mouvement du ciel aurait cessé. »

Comme il compte adopter la réponse négative, Robert l’Anglais commence, suivant l’usage scolastique, par exposer diverses raisons en faveur de l’affirmative ; de ces raisons, voici la seconde :

» Supposons qu’au moment oii le ciel s’arrête, une meule soit en l’air ; je demande si cette pierre va se mouvoir ou bien demeu-

1. Tractatus de spera Jo. de Sacro-Boscho cwzi g/osrs Ho, àngltci, Cap. glosa Hla ; BibL nat.. Foods latin, ms. n° 7^92, fol. 9, col. c.

2. Robertus Angligus, loc, cil. J ms. cil., fol. 10, colL c el d ; loL ii, col. a.

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