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L’ÉCLECTISME PARISIEN

avoir Dieu devant les yeux, disait la Faculté des Arts, que de transgresser sans respect ce que nos ancêtres ont décrété en matière licite et raisonnable ; cette faute est surtout grave pour qui est tenu, par les liens du serment,’de garder ces statuts. Or nos prédécesseurs, pour des motifs nullement ir raisonnais es, ont prescrit une règle bien déterminée à l’endroit des livres qui doivent fournir le sujet de nos leçons publiques ou privées ; cette règle, nous avons juré de l’observer ; nous ne devons pas donner de leçons sur les livres que nos prédécesseurs n’ont pas admis, ou qui ne sont pas en usage ailleurs.

» Or, en ces derniers temps, certains se sont permis d’enseigner soit d’une façon publique, soit en cachette, au moyen de petites conférences réunies dans des lieux privés, la doctrine de Guillaume dit Ockam. Cette doctrine, cependant, n’a pas été admise par ceux qui ont ordonné l’enseignement, eke n’est pas en usage ailleurs ; elle n’a été examinée ni par nous ni par aucune autre personne que cet examen regarde ; aussi ne nous paraît-elle pas exempte de tout soupçon.

» Nous souvenant du soin de notre salut, en considération du serment par lequel nous nous sommes engagés à garder cette règle, nous ordonnons :

» Que nul désormais ne se permette de prendre part à l’enseignement de cette doctrine, soit comme auditeur, soit en donnant des leçons, en public ou en cachette ; que nul ne réunisse des conférences dans le but de discuter cette doctrine ; que nul ne l’allègue dans les discussions ou dans les leçons. » La suspense, pendant un an, de tout grade, honneur et fonction universitaire, devait frapper celui qui transgresserait cet édit ; en cas de persistance opiniâtre du délinquant, la suspense serait prononcée à perpétuité.

La méfiance à l’égard de l’influence occamiste se manifestait dans le décret de 1339 ; mais elle ne se précisait point en reproches formels, portant suc des points déterminés. En 1340, la Faculté des Arts définit plus exactement ses griefs ; sans rien retrancher de ce qu’elle avait précédemment décrété « au sujet de la doctrine de Guillaume dit Ockam », elle dirige ses reproches sur « certaines erreurs des Ockaniques (Ockanici) ».

« Il est récemment venu à notre connaissance, dit le décret, qu’en notre Faculté des Arts, certains donnent leur adhésion aux pernicieuses astuces de certaines personnes ; au lieu de prendre leur appui sur le roc ferme, ils désirent être plus savants qu’il ne faudrait ; ils s’efforcent de jeter des semences malsaines d’où