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L’ÉCLECTISME PARISIEN


II

Les condamnations de l’Occamisme


Nous avons entendu Burley railler les prétentions de ces « modernes qui se vantent de savoir la Logique mieux qu’aucun des mortels. » D’autres que lui, dans l’L’niversité de Paris, s’élevèrent contre les excès auxquels se portaient les disciples d’Ockam.

Une pièce où, en 1340, leurs principaux travers sont condamnés[1] nous permet d’entrevoir l’intransigeante allure de leur dialectique.

Leur désir fut assurément d’imposer en toutes circonstances, à la langue philosophique, une précision et une rigueur que le langage mathématique a seul atteint jusqu’ici ; encore n’y est-il guère parvenu que de nos jours.

Chaque terme employé dans la discussion devait être si exactement défini que son sens ne présentât plus la moindre ambiguïté ; un même mot ne pouvait plus admettre deux significations différentes ; il ne se laissait plus entendre tantôt au propre, tantôt au figuré.

Une proposition, dès lors, n’était plus susceptible que d’une interprétation unique, celle qu’on obtient en la prenant au pied de la lettre ; c’est au pied de la lettre, et au pied de la lettre seulement qu’elle était vraie ou fausse ; toute proposition qui n’était pas véritable au pied de la lettre devait être tenue pour une erreur.

Toute ambiguïté ayant été exclue de la langue philosophique, il était parfaitement ridicule de vouloir, dans la discussion, user de distinction ; il était désormais impossible qu’un même discours pût être conforme ou contraire à la vérité selon qu’on l’entendait d’une manière ou d’une autre, qu’il fut, par exemple, inexact si on le prenait au sens propre et juste si on l’interprétait au sens figuré.

La première condition que requière la fixation d’une telle langue, c’est la possibilité de définir si complètement tout ce dont on parle qu’on n’y laisse plus rien d’indéterminé. Mais si les concepts arbitrairement composés par notre intelligence se peu-

1. Stotuturn Pacultatis arlium de réprobations quærundarn errorum Ockonicorum (Chartularium Universitatis Parisiensis, pièce no 1042, pp. 505-507).

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