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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

supposer qu’un Péripatéticien eût pu accepter ce dogme mystérieux ? Ne professait-il pas, au contraire, que le premier Moteur, absolument immobile en lui-même, se comportait toujours de même manière à l’égard des êtres inférieurs ? N’est-ce pas pour cette raison même que le premier Moteur était, dans le Monde, le principe de toute perpétuité ?

En diverses autres circonstances, nous voyons ainsi Burley faire appel à ce qu’il nomme des « raisons théologiques »[1] pour fléchir et dévier dans le sens du Christianisme l’enseignement d’Aristote et d’Averroès.

Parfois, cependant, il lui arrive de reconnaître, entre la doctrine péripatéticienne et la doctrine de l’Église, d’irréductibles contradictions ; ainsi en est-il, en particulier, au sujet du commencement du Monde[2].

Qu’Aristote ait intentionnellement soutenu l’éternité du mouvement et, partant, l’éternité du Monde, Burley n’hésite pas à le reconnaître[3], en dépit des allégations de Moïse Maïmonide.

« Certains prétendent, dit-il, que le Philosophe n’a pas eu l’intention d’affirmer l’éternité du mouvement ; qu’il a seulement supposé l’éternité du mouvement à titre de conclusion probable, et non pas à titre de conclusion nécessaire. Mais cela est faux. En premier lieu, en effet, lorsqu’il prouve que le premier Moteur existe et cette éternité. En second lieu, lapartie principale de Métaphysique traite des substances éternelles séparées de la matière ; or on n’en peut démontrer l’existence que par l’éternité du mouvement ; prétendre donc que le premier mouvement n’est pas éternel, c’est détruire toute la Métaphysique » d’Aristote.

Mais, d’autre part, « celui[4] qui tient pour la loi catholique doit affirmer que le premier mouvement n’est pas éternel et que le temps n’est pas, non plus, éternel. »

Les arguments apportés pour ou contre chacune des deux thèses sont, de la part de notre auteur, l’objet d’une longue et minutieuse discussion dont la conclusion se résume ainsi[5] :

« Si l’on parle au seul point de vue de la Physique (physice

1. Burlæus Super oclo libros Physicorum, Lib, I, tiact. Il, cap, t ; éd. cit., fol. 12, col. c.

2. Burlæi Op.laud., Lib. VIII, tract. 1,. cap. I.

3. Walter Buki.ey, loc. cil., édit, cil., fol. 202, col. d.

4. Walter Burley, loc. CÜ*,éd. cit., fol. 203, col. c.

5. Walter Burley, loc, cil., éd, cit., fol. ao4, col. c.

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